Le bilan comptable d’une société ne reflète pas nécessairement son patrimoine juridique

 

 

 

Réginald Legenre, associé, le 2 mai 2023

 

Article publié dans le n°92 de la revue Expression Acheter-Louer – mai – juin 2023

 
 
La cour administrative d’appel de Douai (CAA Douai, 4ème chambre, 30 mars 2023, 21DA02410) vient rappeler que la prépondérance immobilière s’apprécie au regard du patrimoine juridique de la société, lequel peut différer de son patrimoine comptable.

 

 

La prépondérance immobilière exclut le bénéfice du régime des plus-values à long terme

 

Le régime des plus-values à long terme, qui prévoit une exonération d’impôt sur les sociétés (« IS ») des plus-values de cession de titres de participation, ne s’applique pas aux plus-values de cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées, lesquelles restent soumises à l’IS au taux de droit commun. Aux termes de l’article 219 I-a sexies-0 bis du CGI, « sont considérées comme des sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l’actif est, à la date de la cession de ces titres ou a été à la clôture du dernier exercice précédant cette cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles, des droits portant sur des immeubles, des droits afférents à un contrat de crédit-bail conclu dans les conditions prévues au 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier ou par des titres d’autres sociétés à prépondérance immobilière. (…) ».

 

L’administration commettait deux erreurs juridiques

 

Pour refuser le bénéfice du régime d’imposition des plus-values à long-terme à une société soumise à l’impôt sur les sociétés qui avait cédé les parts d’une SCI développant un programme immobilier, l’administration s’est fondée sur la circonstance que l’actif de la SCI était composé d’un terrain d’une valeur de 4 602 274 euros et d’un actif en comptabilité d’un montant de 1 471 833 euros au titre d’encours de production. L’administration a estimé que ces encours de production, immobilisés à hauteur de 1 471 883 euros, constituaient des droits portant sur un immeuble. Elle a donc considéré que l’actif réel de la SCI était constitué à 95 % par des droits portant sur des immeubles.

 

Une erreur de qualification du tribunal

 

Le tribunal administratif de Rouen a jugé que la SCI ne pouvait être regardée comme propriétaire du terrain d’une valeur de 4 602 274 euros inclus dans l’actif de la SCI et que, par voie de conséquence, la valeur de ce terrain ne pouvait être retenue pour déterminer si la SCI présentait le caractère d’une société à prépondérance immobilière. Il a néanmoins conclu que des encours de production étaient de nature immobilière quand bien même la société n’était pas encore propriétaire du terrain et a en conséquence confirmé la position de l’administration.

La société soutenait en appel que les encours de production inscrits à l’actif du bilan de la SCI ne peuvent être considérés comme des droits immobiliers car ils ne confèrent aucune prérogative directe sur un bien immobilier. L’administration maintenait quant à elle que la SCI pouvait être regardée comme une société à prépondérance immobilière dès lors que le ratio de prépondérance immobilière s’établissait à 83 % en rapportant au total de l’actif de la société d’un montant 1 471 883 euros, les encours de production de biens d’un montant de 1 224 104 euros.

 

Les encours de production immobilisés ne sont pas des droits portant sur des immeubles

 

La Cour donne raison au contribuable et affirme que les encours de production immobilisés à l’actif de la SCI, constitués pour l’essentiel de frais de démolition, de frais de géomètre-expert et d’honoraires d’avocat, ne peuvent être regardés comme des droits portant sur des immeubles. L’administration ne pouvait donc prendre en compte l’actif circulant de la SCI pour retenir la prépondérance immobilière et refuser à la société cédante le bénéfice du régime d’imposition des plus-values à long terme.

La Cour réaffirme ainsi que la prépondérance immobilière des sociétés s’apprécie au regard de leur patrimoine juridique. Seuls les immeubles, droits immobiliers, droits afférents à un contrat de crédit-bail ou titres de sociétés elles-mêmes à prépondérance immobilière dont la société a la propriété juridique doivent être pris en compte pour déterminer l’éventuelle prépondérance immobilière de la société cédée.

Cette jurisprudence vient également rappeler qu’il convient de ne pas se limiter à la lecture du bilan comptable pour déterminer si une société est à prépondérance immobilière dès lors que c’est le transfert de contrôle, et non le transfert de propriété, qui détermine, d’un point de vue comptable, l’entrée ou la sortie d’un bien du patrimoine de la société.

 

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