L’écoulement d’un délai de trente ans entre l’acquisition et la revente d’un bien immobilier n’exclut pas la qualification d’opération de marchand de biens
Réginald Legenre, associé, le 2 novembre 2021
Article publié dans le n°83 de la revue Expression Acheter-Louer – novembre – décembre 2021
La cour administrative d’appel de Marseille juge que la condition d’intention spéculative du marchand de biens est remplie même si le délai qui sépare l’achat de la revente excède trente ans (CAA Marseille, 1er juillet 2021, n°20MA00416)
Principes
En application des dispositions de l’article 35-I-1° du CGI, les bénéfices réalisés par les personnes physiques qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Lorsqu’ils sont réalisés par une société civile, les profits des marchands de biens sont soumis à l’impôt sur les sociétés en raison de leur caractère commercial.
L’appréciation du caractère habituel des opérations et de l’intention spéculative lors de l’acquisition nécessite l’examen des circonstances de fait. S’agissant des sociétés, cette appréciation impose également l’examen de l’objet social défini par les statuts. L’habitude résulte ainsi soit de la pluralité des ventes réalisées dans le cadre d’une même opération, soit de l’activité passée ou présente du cédant. Quant à l’intention spéculative, elle s’apprécie au moment de l’achat et non à celui de la revente.
Le long délai entre l’achat et la revente n’est pas exclusif de toute intention spéculative
Une SCI avait acquis deux terrains à bâtir au cours des années 1978 et 1981 et les avait revendus en 2015, soit plus de trente ans après leur acquisition.
A l’issue d’un contrôle fiscal portant à la fois sur la SCI et sur les revenus déclarés par les associés, l’administration fiscale a considéré que la SCI avait réalisé une opération de marchand de biens et a assujetti en conséquence chacun des associés à une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.
Sans statuer sur les autres moyens de la requête, la cour considère que la vente menée par la société ne peut être regardée comme une opération commerciale de marchand de biens dès lors que la condition d’habitude n’est pas remplie. Elle relève en effet que la vente réalisée est demeurée isolée, et que la qualité de professionnels de l’immobilier des associés de la SCI (promoteur immobilier et associés de société civile de construction- vente) ne suffit pas à établir qu’ils se seraient livrés à titre habituel à des opérations d’achat et de revente en l’état d’immeubles. Enfin, la double circonstance que l’objet social de la SCI ait un caractère commercial et qu’elle ait régulièrement souscrit, au titre de son activité, des déclarations de résultat professionnel selon le régime du réel normal au titre de la période relative à la cession, ne suffit pas à caractériser cette condition d’habitude.
Selon la cour, l’intention spéculative est établie dès lors que l’engagement de la société de viabiliser les terrains acquis et d’y construire des villas dans un délai de quatre ans, puis ses décisions de gestion, consistant à inscrire comptablement les terrains en stocks, à porter la TVA déductible sur les actes d’acquisition, à vendre une parcelle, à louer une autre partie du terrain puis à solliciter un permis d’aménagement, confirment que la société avait entendu valoriser les terrains avant de les revendre.
Ainsi, si le court délai qui sépare l’acquisition de la revente constitue souvent un élément permettant de qualifier l’intention spéculative, l’écoulement d’un délai de plus de trente ans entre l’acquisition et la revente d’un bien immobilier ne permet pas d’effacer l’intention spéculative manifestée lors de son acquisition.
⇒ Pour un conseil en droit fiscal, nous vous invitons à contacter Réginald Legenre, associé, par mail: r.legenre@herald-avocats.com