« Une véritable obligation de surveillance pèserait désormais sur les plateformes et notamment les plateformes d’e-commerce »
Anne COUSIN, La Semaine Juridique, Edition générale, n°38, 20 septembre 2021
Le projet de Digital Services Act publié le 15 décembre 2020 par la Commission européenne a pour objet de définir avec le projet de Digital Markets Act du même jour, un nouveau cadre de régulation pour mettre fin à l’irresponsabilité des géants du numérique. C’est en tout cas l’objectif. Or, la Commission du Parlement européen chargée du Marché intérieur et de la protection des consommateurs a rendu le 28 mai 2021 un rapport qui propose des modifications d’ampleur du projet de DSA. Anne Cousin revient sur ces modifications et s’interroge sur leurs conséquences (entretien publié in JCP E 2021, 571).
1 – La notion de « très grande plateforme » est-elle remise en cause ?
L’une des avancées majeures du DSA est de prévoir à la charge des intermédiaires du numérique des obligations différentes selon leur activité et leur taille. Imposer des obligations asymétriques vise à régler les problèmes là où ils se posent vraiment, sans contraindre les fournisseurs qui ne sont pas concernés à des engagements qui paraîtraient excessifs. C’est pourquoi certaines obligations prévues par le DSA sont uniquement mises à la charge des très grandes plate- formes en ligne ayant acquis un rôle central et systémique dans la diffusion de la pensée et les échanges économiques.
À l’inverse, le DSA exonère les très petites entreprises du respect de la plupart des obligations qu’il prévoit. Le DSA met ainsi à la charge des seules très grandes plateformes l’obligation d’analyser et d’évaluer régulière- ment tout risque systémique ayant son origine dans leur utilisation, de mettre en place des mesures d’atténuation de ces risques, de mener au moins une fois par an un audit de conformité.
Elles seules sont également te- nues d’obligations spécifiques de transparence en matière de publicité en ligne. Elles doivent aussi permettre au nouveau coordinateur qui sera désigné par chaque État membre d’accéder aux données nécessaires pour contrôler leur respect du DSA. Or, fidèle à ses objectifs, le pro- jet de DSA propose de définir les très grandes plateformes comme celles qui fournissent leurs services à un nombre mensuel moyen de bénéficiaires actifs au sein de l’Union égal ou supé- rieur à 45 millions.
Mais la Commission du Parlement européen chargée du Marché intérieur et de la protection des consommateurs est d’un tout autre avis. Dans son rapport du 28 mai 2021, elle propose d’étendre le régime des très grandes plate- formes à celles dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 50 millions d’euros au sein de l’Union. Bref, elles ne sont plus très grandes du tout. Le but clairement affiché du rapport est d’éviter que l’ensemble des plateformes d’e- commerce n’échappe au champ d’application initial.
Certes, si l’exigence de 45 mil- lions de bénéficiaires mensuel moyen est trop élevée il faut sans doute la revoir pour que l’objectif du DSA soit atteint. Néanmoins placer la barre à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel revient à priver de l’essentiel de leur intérêt les distinctions opérées selon la taille et la puissance des acteurs, et donc à abandonner l’une des très importantes nouveautés du texte.
2 – Faut-il prévoir un délai de retrait des contenus illicites ?