Un compte-rendu d’entretien annuel d’évaluation peut constituer une sanction disciplinaire
Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy le 11 février 2022
Aux termes de l’article L1331-1 du Code du travail, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
En application de ce texte, la jurisprudence définit l’avertissement comme un rappel à l’ordre écrit, reprochant au salarié des manquements professionnels et le mettant en demeure de rectifier son comportement ou d’apporter plus de soin dans l’exécution de ses missions (Cass. Soc., 13 octobre 1993, n°92-40.955 ; Cass. Soc., 13 novembre 2001, n°99-42.709).
La Cour de cassation fait cependant preuve de largesse dans l’appréciation de la forme que peut revêtir un avertissement : si celui-ci est le plus souvent notifié par courrier postal, la Chambre sociale a admis la régularité d’un avertissement dématérialisé par courriel (dès lors que celui-ci remplit les conditions exposées plus haut) (Cass. Soc., 26 mai 2010, n°08-42.893).
Dans un arrêt récent*, elle développe cette jurisprudence favorable aux salariés.
Le compte-rendu d’entretien annuel d’évaluation d’un salarié lui reprochait « son attitude dure et fermée aux changements, à l’origine d’une plainte de collaborateurs en souffrance, des dysfonctionnements graves liés à la sécurité électrique et le non-respect des normes règlementaires, et l’invitait de manière impérative et comminatoire et sans délai à un changement complet et total ».
La haute juridiction valide le raisonnement des juges du fond qui considéraient un tel document comme constituant un avertissement disciplinaire, de sorte que le licenciement prononcé par la suite pour les mêmes griefs, se fondait sur des faits fautifs déjà sanctionnés, et était donc sans cause réelle et sérieuse.
Les juges devaient donc procéder à une analyse purement littérale du document litigieux (qui effectivement pointait des manquements et exigeait une modification du comportement), sans rechercher si, au-delà de ces deux conditions, celui-ci traduisait réellement une volonté de sanctionner le salarié, comme le contestait l’employeur.
Notre conseil : Soyez vigilants lorsque vous communiquez avec vos salariés : un écrit imprudemment formulé pourrait être analysé comme un avertissement, épuisant votre pouvoir disciplinaire pour les faits fautifs qu’il évoque…
* Cass. Soc., 2 février 2022, n°20-13.833
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