Salariés: quels comportements adopter en cas d’infection par le coronavirus dans l’entreprise ?
Par notre Pôle Social
Note mise jour le 25 mars 2020
Depuis le passage en stade 3 de l’épidémie de Coronavirus décidé par le gouvernement le 16 mars dernier, le recours au télétravail devient obligatoire pour les postes qui le permettent.
La mise en place de ce dispositif n’est cependant pas possible au sein des entreprises dont la nature de l’activité suppose l’intervention physique des salariés directement sur leur lieu de travail, ce qui peut exposer ces derniers à une infection par le virus.
On rappellera à cet égard que les salariés présents sur leur lieu de travail se doivent de respecter les gestes barrières selon les recommandations du gouvernement et des autorités sanitaires, notamment se laver fréquemment les mains avec du savon ou les désinfecter avec une solution hydro-alcoolique s’il n’y a pas de point d’eau à proximité, et à respecter une distance minimale d’un mètre entre collègues.
Quels comportements les salariés doivent-ils adopter lorsque, malgré ces précautions, une suspicion d’infection par le coronavirus est constatée dans l’entreprise ?
Deux hypothèses se présentent suivant que vous ou l’un de vos collègues ressentez les symptômes.
1. Vous êtes un(e) salarié(e) qui présente les symptômes du COVID-19 ou qui a récemment été exposé(e) à une personne infectée
Tant que les tests ne seront pas généralisés et rapides quant à leurs résultats, vous n’avez pas la certitude d’être positif au Covid-19.
Pour rappel les symptômes sont les suivants :
– écoulement nasal
– mal de gorge
– toux
– fièvre
– difficultés respiratoires
– perte soudaine de l’odorat et du goût (anosmie)
Vous pouvez, à titre indicatif, tester vos symptômes sur le site : https://maladiecoronavirus.fr/se-tester
Néanmoins, comme cela est expressément rappelé :
« L’application est fournie à titre gratuit, en l’état, uniquement à des fins d’information pour contribuer à fluidifier la prise en charge des personnes par les services d’urgences pendant l’épidémie de Coronavirus COVID-19. L’exhaustivité, l’exactitude, le caractère à jour des informations et contenus mis à disposition dans cette application, ou leur adéquation à des finalités particulières, ne sont pas garantis.
(…) l’application y compris le test et les autres informations qu’elle contient, ne constituent en aucun cas un avis, une recommandation, un examen, un diagnostic, une prescription, ou tout autre acte de nature médicale notamment établi ou réalisé par un médecin ou un pharmacien. L’utilisation de l’application et de son contenu ne remplace en aucun cas le conseil nécessaire donné par votre médecin ou votre pharmacien ou tout autre professionnel de santé compétent dans chaque cas particulier ».
Il n’en reste pas moins qu’en cas d’apparition des premiers symptômes de la maladie, vous devez prendre certaines précautions.
1.1. Vous devez arrêter le travail dès l’apparition des premiers symptômes
En application des dispositions de l’article L4122-1 du Code du travail, tout salarié a l’obligation de « prendre soin de sa sécurité et de sa santé, ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail » (notamment collègues de travail, supérieurs hiérarchiques, employeur, clients, fournisseurs…).
En cas de suspicion d’infection par le Coronavirus, il s’en déduit une obligation pour le salarié de cesser immédiatement le travail, et ce pour deux raisons :
– La première, la plus évidente, est d’éviter la transmission du virus aux autres personnes présentes sur le lieu de travail.
La jurisprudence a ainsi retenu à ce titre l’interdiction pour tout salarié de mettre en danger dans l’enceinte de l’entreprise, d’autres membres du personnel (Cass. Soc., 4 octobre 2011, n°10-18.862).
A défaut, il s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à un licenciement pour faute grave (Cass. Soc., 23 mars 2005, 03-42.404).
– La seconde est d’éviter les répercussions néfastes que peut avoir l’apparition de la maladie sur l’activité de l’entreprise.
Un salarié se doit donc d’arrêter le travail s’il estime que son état de santé ne lui permet plus d’assurer correctement sa prestation de travail.
La prise en compte de l’état de santé d’un salarié ne sera ainsi pas jugée discriminatoire s’il en est résulté une désorganisation de l’entreprise.
Spécifiquement, la Cour de cassation a validé le licenciement prononcé à l’encontre d’un salarié pour avoir continué de travailler sachant qu’il n’était pas en état physique de le faire (Cass. Soc., 12 octobre 2017, n°16-18.836).
Le premier comportement à adopter est donc de cesser le travail en prévenant sa hiérarchie, de s’isoler à son domicile, et de contacter son médecin traitant, dont l’appui sera évidemment essentiel.
Il convient évidemment d’y demeurer dans l’attente des résultats du test au Coronavirus ou en cas de forme légère de la maladie, jusqu’à guérison complète.
Pour rappel, les recommandations du gouvernement à ce jour sont les suivantes : (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) :
« Si j’ai des symptômes évocateurs de COVID 19 (toux, fièvre) : j’appelle mon médecin traitant ou un médecin par téléconsultation, je n’appelle le 15 que si j’ai des difficultés respiratoires ou si j’ai fait un malaise, je m’isole strictement à domicile. Je me fais tester uniquement si je suis une personne fragile ou à risque, si je présente des signes de gravité, si je suis déjà hospitalisé, si je suis un professionnel de santé, si je suis une personne fragile en structure collective (EPHAD, handicap). Si je n’appartiens à aucune de ces catégories, un médecin effectue le diagnostic sur signes cliniques. Les tests en ambulatoire, avec prélèvements à domicile, sont possibles. Si je n’appartiens à aucune de ces catégories, un médecin effectue le diagnostic sur signes cliniques. »
Naturellement, la bonne foi doit guider le salarié dans l’application de ce principe de précaution.
Dans la pratique, un arrêt absolument immédiat du travail ne sera pas forcément possible (en particulier si le salarié concerné occupe un poste déterminant qui ne peut être remplacé au pied levé : dans l’intervalle, le salarié devra s’efforcer de limiter les risques de contagion et arrêter le travail dès que possible).
1.2. Vous devez immédiatement informer votre employeur
Selon l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur doit veiller à la santé et la sécurité au travail de ses salariés, c’est donc lui qui doit mettre en place les mesures visant à les protéger dès l’apparition d’une suspicion d’infection par le Coronavirus.
Dès l’apparition des premiers symptômes, le salarié doit donc en informer son employeur.
Dans quelles conditions ?
– L’information doit être réservée à l’employeur
C’est en effet l’employeur qui est à même de mettre en place les mesures nécessaires à l’endiguement de la maladie au sein de la société.
Il est donc inutile d’en informer toute l’entreprise, ce qui n’aurait pour autre effet que de susciter un mouvement de panique et de désorganiser l’activité.
C’est à l’employeur qu’il appartiendra par la suite d’informer l’ensemble des salariés de manière raisonnée et maîtrisée, de l’existence d’un cas supposé de Coronavirus dans l’entreprise, dans le cadre de la mise en place de mesures de remédiation conformes aux préconisations du gouvernement.
– L’information doit être réalisée de manière fidèle et mesurée
Celle-ci doit notamment permettre à l’employeur d’apprécier la gravité de la situation et de ses conséquences possibles.
Une exagération ou au contraire une minoration par le salarié de ses symptômes est évidemment à proscrire car risquant de donner lieu à la mise en place de mesures inadaptées exposant les autres salariés à un danger ou portant inutilement atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise par un retentissement disproportionné.
– Le salarié devra par la suite informer l’employeur des suites médicales données, notamment en cas de test positif au Coronavirus, ainsi que la date prévisible de son retour, afin de lui permettre le cas échéant d’adapter les mesures mises en place dans l’entreprise.
– Dans l’hypothèse où un salarié possiblement infecté par le Coronavirus refuserait d’en informer l’employeur, il appartiendra à ses collègues de le faire, dans les limites bien entendu de la bonne foi.
Une alerte mensongère serait en effet susceptible de sanctions disciplinaires si elle a été soulevée en connaissance de cause par un salarié dans le but de déstabiliser l’entreprise ou de nuire à un collègue.
2. Vous êtes informé(e) que l’un(e) de vos collègues présente des symptômes du COVID-19 ou a été récemment exposé(e) à une personne infectée
2.1. Vous devez vous abstenir de tout comportement discriminatoire ou harcelant à son encontre
– On rappellera autant que de besoin que l’article L1132-1 du Code du travail prohibe toute forme de discrimination, notamment à raison de l’état de santé.
Ainsi, aucune personne ne peut être pour raison de santé écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination, ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, ni sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement, de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
– De même, il sera rappelé la prohibition des faits de harcèlement moral, c’est-à-dire des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail d’un salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (article L1152-1 du Code du travail).
On songe ici principalement à des comportements d’isolement ou de mise à l’écart du salarié potentiellement atteint par le virus, qui peuvent porter atteinte à sa santé déjà fragilisée.
A titre d’exemple, constitue une forme de harcèlement moral le fait de confiner un salarié dans un périmètre exigu en lui interdisant l’accès au lieu de travail principal et donc tout contact avec ses collègues (Cass. Soc., 29 juin 2005, n°03-44.055 ; Cass. Soc., 23 septembre 2009, n°08-44.061) ou de le priver d’affectation précise pour l’isoler de la communauté de travail (Cass. Soc., 24 janvier 2006, n°03-44.889) ou encore de le priver des informations professionnelles qui devaient normalement lui être communiquées (notes, mails, courriers…) (Cass. Soc., 14 mai 2013, n°12-82.362).
Il importe de préciser que la mise à l’écart d’un salarié en raison de son état de santé est tout autant exclue lorsqu’elle est verticale (par un supérieur hiérarchique) que lorsqu’elle est horizontale (par un ou plusieurs collègues du même niveau hiérarchique).
La limite entre l’isolement sanitaire d’un salarié potentiellement infecté et une véritable mise à l’écart destinée à le harceler sera parfois difficile à déterminer, et dépendra en réalité le plus souvent du contexte l’entourant, en particulier si elle s’accompagne de propos ou agissements déplacés comme on le verra infra.
Dans l’ensemble de ces hypothèses, les salariés fautifs pourront faire l’objet d’une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave.
2.2. Vous devez conserver à son égard une attitude correcte et respectueuse
Le contexte de l’épidémie de Coronavirus ne dispense en effet pas les salariés de leurs obligations professionnelles qui imposent évidemment de s’abstenir de tout comportement injurieux ou violent.
– Sont ainsi à proscrire toute humiliation, dénigrement ou brimade de la personne malade de la part des supérieurs hiérarchiques (Cass. Soc., 19 janvier 2011, n°09-67.463) ou des collègues (Cass. Soc., 16 mai 2012, n°10-10.623).
– De même, ne peuvent être tolérées injures ou comportements insultants, qu’ils émanent d’un collègue (Cass. Soc., 25 octobre 2007, n°06-41.064 ; Cass. Soc., 11 décembre 2015, n°14-20.439) ou d’un supérieur hiérarchique (Cass. Soc., 20 juin 2012, n°11-22.122 ; Cass. Soc., 27 février 2013, n°12-12.745).
– Enfin, il va sans dire que ne sont pas acceptables, a fortiori, les actes de violences physiques sur la personne d’un collègue (Cass. Soc., 12 février 2014, n°12-27.302), d’un subordonné (Cass. Soc., 8 octobre 1992, n°91-42.546), voire même d’un supérieur hiérarchique (Cass. Soc., 9 juillet 1992, n°91-40.554).
Là encore, les salariés responsables de tels actes pourront être sanctionnés le cas échéant par un licenciement pour faute grave.
2.3. Vous ne devez pas réagir de manière excessive à l’annonce de l’employeur
Comme on l’a d’ores et déjà indiqué, l’employeur a l’obligation de prendre l’ensemble des mesures permettant de préserver la santé et la sécurité de ses salariés (article L4121-1 du Code du travail).
La révélation d’un cas possible d’infection par le Coronavirus dans l’entreprise devrait donc entraîner la mise en œuvre par ce dernier de mesures destinées à contenir sa propagation et maintenir l’activité.
Comme l’a indiqué le Ministère du travail, et sous réserve de l’appréciation des juridictions compétentes, les salariés ne sauraient faire application de leur droit de retrait que dans l’hypothèse où l’employeur ne prendrait aucune mesure sanitaire ou des mesures insuffisantes au regard des préconisations du gouvernement.
L’usage du droit de retrait prévu par l’article L4131-1 impose en effet que soit caractérisée l’existence d’un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié qui entend s’en prévaloir.
Un tel danger ne devrait pas être présent lorsque les mesures mises en place par l’employeur sont adaptées.
Pour mémoire, les préconisations du gouvernement en cas d’infection par le Coronavirus au sein de l’entreprise sont les suivantes :
– équipement des personnes en charge du nettoyage des sols et surfaces avec port d’une blouse à usage unique et gants de ménage (le port d’un masque de protection respiratoire n’est pas nécessaire du fait de l’absence d’aérosolisation par les sols et surfaces) ;
– entretien des sols, privilégier une stratégie de lavage-désinfection humide de sorte que :
=> les sols et surfaces soient nettoyés avec un bandeau de lavage à usage unique imprégné d’un produit détergent ;
=> les sols et surfaces soient ensuite rincés à l’eau du réseau d’eau potable avec un autre bandeau de lavage à usage unique ;
=> un temps de séchage suffisant de ces sols et surfaces soit laissé ;
=>les sols et surfaces doivent être désinfectés avec de l’eau de javel diluée avec un bandeau de lavage à usage unique différent des deux précédents.
– les déchets produits par la personne contaminée suivent la filière d’élimination classique.
Il convient donc de se garder de toute réaction excessive à l’annonce par l’employeur d’une possible infection par le Coronavirus : on rappellera qu’un droit de retrait exercé à mauvais escient peut donner lieu à une retenue de salaire pour la période d’absence correspondante (Cass. Soc., 11 juillet 1989, n°86-43.497) et une sanction disciplinaire par exemple pour abandon de poste, pouvant aller jusqu’au licenciement (Cass. Soc., 17 octobre 1989, n°86-42.272).
2.4. Vous devez vous conformer strictement aux mesures prises par l’employeur
Bien que décidées dans un cadre exceptionnel et par nature temporaires, les mesures prises par l’employeur pour contenir la propagation du Coronavirus et maintenir l’activité de l’entreprise ont évidemment un caractère impératif et relèvent du pouvoir de direction de ce dernier.
L’ensemble des salariés, qui ont, rappelons-le, une obligation de prendre soin de leur sécurité et de leur santé sur le lieu de travail ainsi que de celles de leurs collègues (article L4222-1 du Code du travail) doivent donc se conformer strictement et en toutes circonstances aux directives données par l’employeur.
A défaut, ils encourent des sanctions disciplinaires, notamment pour insubordination, qui peuvent aller jusqu’à un licenciement pour faute grave (Cass. Soc., 30 avril 2014, n°13-13.834).
Il en va de la santé de l’ensemble des salariés de suivre les instructions de l’employeur qui dispose de l’ensemble des informations sur la situation et se trouve dans la meilleure position pour prendre les mesures les plus adaptées.