Moment de la rupture du contrat de travail : le juge est maître des horloges !

 

 

Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy, le 28 octobre 2022

 

En cas de licenciement, la jurisprudence traditionnelle de la Chambre sociale de la Cour de cassation situe le moment de la rupture du contrat de travail à la date à laquelle l’employeur a manifesté sa volonté d’y mettre fin, c’est-à-dire concrètement, le jour de l’envoi de la lettre notifiant la rupture (Cass. Soc., 4 mars 2015, n°13-16.148).

Mais avec quel degré de précision chronologique cette règle doit-elle appliquée ? S’agit-il uniquement du jour de l’envoi de la notification, ou également de son heure ?

La question s’est posée dans une affaire récente.

L’employeur avait expédié au salarié sa lettre de notification du licenciement dans la journée du 15 novembre, qui fut réceptionnée par son destinataire le lendemain 16 novembre, accusé de réception faisant foi.

L’employeur a cependant pris l’initiative, dans la soirée du 15 novembre, de téléphoner au salarié pour lui annoncer son licenciement et lui demander de ne pas se présenter au travail le lendemain matin.

Le salarié conteste le caractère réel et sérieux de son licenciement, et les juges du fond lui donnent raison, en retenant que l’appel téléphonique était concomitant de la notification écrite du licenciement adressée le même jour : la rupture du contrat de travail s’analyse donc en un licenciement verbal, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation* censure cette décision en retenant que la Cour d’appel aurait dû rechercher précisément si la lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la rupture n’avait pas été expédiée au salarié avant la conversation téléphonique, de sorte que l’employeur avait déjà irrévocablement manifesté sa volonté d’y mettre fin.

Les juges du fond devaient donc, à l’heure près, reconstituer la chronologie de la journée du 15 novembre afin de déterminer laquelle des deux notifications, écrite ou verbale, était intervenue en premier.

 

Notre avis : Même à la lumière de cette décision, le choix de l’employeur de téléphoner à son salarié pour lui demander de ne pas venir travailler le lendemain était mal avisé : une meilleure option aurait été la remise d’une copie de la lettre de licenciement le lendemain à son arrivée.

En tout état de cause, cette décision démontre l’importance de conserver le récépissé de dépôt du courrier de licenciement prouvant l’heure exacte de la première notification.

 

* Cass. Soc., 28 septembre 2022, no 21-15.606