Licenciement verbal : le téléphone pleure
| Droit social |
Par Guillaume Roland, le 31 mai 2024
Annoncer en face à face à un salarié son licenciement pour lui éviter qu’il ne l’apprenne par une lettre, part d’un bon sentiment. Pour beaucoup d’employeurs, il s’agit même de la démarche normale et responsable d’un chef d’entreprise.
Mais le droit social, formaliste s’il en est, s’accommode mal de principes moraux. Comme le dit Monsieur le Professeur Jean-Emmanuel Ray, « il va de soi que le droit n’est pas la vie »*.
C’est ce qu’a appris à ses dépens une directrice des ressources humaines qui croyant bien faire avait contacté par téléphone un salarié pour le prévenir qu’une lettre de licenciement partait le même jour. Manque de chance, ce salarié avait mis le haut-parleur et pris à témoin deux collègues.
Cette conversation ayant eu lieu avant l’envoi effectif de la lettre, la Cour d’appel saisie a en toute logique juridique, considéré d’une part qu’il s’agissait d’un licenciement verbal et, comme « rupture sur rupture ne vaut », écarté d’autre part la lettre de licenciement « adressée ultérieurement ». La Cour d’appel de Reims** dans une formule à la simplicité cruelle retient en réponse à l’employeur qui considérait comme « convenable » de prévenir un salarié de son licenciement, « qu’une telle attitude de la part de l’employeur équivaut à licencier un salarié sans énoncer de motifs » …
La Cour de cassation*** a confirmé cette analyse en rappelant que la chronologie est essentielle : informer le salarié une fois que la lettre était partie aurait « sauvé » le licenciement mais le prévenir était fautif (cf. notre hebdo du 28 octobre 2022).
Licencié à l’origine pour faute grave, le salarié a finalement obtenu le paiement de son préavis, de son indemnité de licenciement et des dommages et intérêts, grâce à cette attitude trop « convenable ».
Notre conseil : le droit nous enseigne régulièrement de ne jamais se laisser emporter par ses sentiments. Une procédure de licenciement est très formelle, suivons-la quitte à mettre temporairement nos principes de côté.
* in « Moi manager, mes droits, mes devoirs » ed. Revue Fiduciaire page 174
** CA Reims, 23 novembre 2022, n°21/01788
*** Cass. Soc., 3 avril 2024, n°23-10.931
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