Le « droit à la preuve » épisode 2

 

 

Par Guillaume Rolandle 17 mars 2023

 

Le « droit à la preuve » continue à gagner du terrain (nous avons déjà abordé ici ce sujet cf. hebdo du 11 décembre 2020).

Pour « preuve », deux arrêts rendus par la chambre Sociale de la Cour de cassation le 8 mars dernier.

Le premier* concernait la demande présentée en référé par une salariée pour obtenir la production forcée des bulletins de salaire de collègues masculins et ainsi démontrer la discrimination qu’elle avait subie pendant son contrat de travail. La difficulté provenait évidemment du fait que la production des bulletins portait atteinte à la vie privée de ses collègues masculins, ce qui pouvait contrevenir notamment aux règles issues du RGPD.

La Cour de cassation lui donne néanmoins raison – qui plus est un 8 mars, en rappelant que le droit à la preuve peut justifier l’atteinte à la vie personnelle du salarié, à la double condition que cette production soit nécessaire à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

La Cour accepte en conséquence la production des bulletins de paie de huit salariés, avec occultation des données personnelles, à l’exception et c’est ce qui est le plus remarquable, des noms et prénoms, de la classification conventionnelle, de la rémunération mensuelle détaillée et de la rémunération brute totale cumulée par année. On aurait pu penser que l’occultation des noms et prénoms remplacés par la simple mention du premier chiffre INSEE, suffisait à caractériser le sexe sans avoir à divulguer une donnée si personnelle.

Le second arrêt** concerne l’utilisation comme moyen de preuve d’un système de vidéo-surveillance qui n’avait pas été porté au préalable à la connaissance des salariés. Un employeur reprochait – vidéos à l’appui, à une salariée d’avoir procédé à des détournements en manipulant la caisse.

La Cour de cassation écarte finalement les vidéos. Elle retient tout d’abord que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats. Elle ajoute ensuite que si l’employeur peut atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié (en l’espèce un audit interne mettant en lumière les détournements reprochés), cette preuve illicite doit être écartée.

 

Notre avis : Dans la balance entre le droit au respect de la vie personnelle et le droit à la preuve, ce n’est pas toujours le respect de la vie personnelle qui pèse le plus. Néanmoins, la Chambre sociale de la Cour de cassation pose des limites à l’utilisation de certains moyens de preuve. Il convient donc d’être toujours très circonspect avant d’utiliser un moyen de preuve illicite (caméras non déclarées, système de badgeage corrélé officieusement au logiciel de décompte du temps de travail, filature de salariés, enregistrement de conversations téléphoniques, etc.).

 

*Cass. Soc., 8 mars 2023, n°21-12.492 & 21-17.802

**Cass. Soc., 8 mars 2023, n°21-17.802

 

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