La levée d’une mise à pied conservatoire n’épuise pas le pouvoir disciplinaire de l’employeur

 

 

Par Guillaume Roland et Julie Pleuvret, le 30 septembre 2022

 

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. Il s’agit d’une mesure provisoire prononcée lorsque les faits reprochés au salarié paraissent d’une gravité telle qu’ils justifient de lui interdire l’accès à l’entreprise dans l’attente d’un éventuel licenciement.

Lorsque le caractère conservatoire fait défaut, la mise à pied prend alors une nature disciplinaire, ce qui interdit à l’employeur de prononcer une autre sanction pour les mêmes faits car il a alors épuisé son pouvoir disciplinaire.

Dans une affaire, un salarié est mis à pied à titre conservatoire concomitamment à sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement. Puis il lui est demandé de reprendre son travail, avant de se voir notifier son licenciement pour faute grave à l’issue de son entretien préalable.

Le salarié conteste son licenciement soutenant que sa reprise du travail postérieurement à la notification de sa mise à pied conservatoire entraine sa requalification en mise à pied disciplinaire. Son argumentation est accueillie par la Cour d’appel de Paris qui considère que la mise à pied interrompue par la reprise du travail pour le compte de l’employeur, doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que le licenciement ne peut donc pas être justifié par les faits ainsi déjà sanctionnés.

Saisie par l’employeur, la Cour de cassation* censure ce raisonnement et rappelle au visa des articles L 1332-2 et L 1332-3 du Code du travail que la mise à pied prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps a un caractère conservatoire.

Ainsi, le fait pour l’employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, est impropre à priver la mise à pied de son caractère conservatoire et n’a donc pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire.

L’employeur à qui il apparait que les faits reprochés ne justifient plus la mise à l’écart du salarié, peut renoncer à la mise à pied initialement prononcée dans l’attente de la sanction définitive, sans risquer de porter atteinte à sa nature conservatoire.

 

Notre avis : Ce faisant l’employeur qui ne renonce pas à sanctionner le salarié devra mesurer au cas par cas l’incidence que peut avoir la levée de la mesure conservatoire sur son appréciation de la gravité des faits.

 

*Cass. Soc., 18 mai 2022, no 20-18.717

 

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