Géolocalisation des salariés : l’employeur peut-il jouer à « Où est Charlie » ?

 

 

Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy,le 28 avril 2023

 

Traditionnellement, la jurisprudence admet la possibilité pour l’employeur de recourir à un dispositif de géolocalisation d’un salarié itinérant, notamment pour contrôler sa durée du travail, vérifier son kilométrage routier, ou protéger le véhicule professionnel contre le vol.

Par deux arrêts rendus le 22 mars 2023*, la Chambre sociale de la Cour de cassation en rappelle cependant le régime juridique et les limites.

Elle précise d’abord que le recours par l’employeur à un système de géolocalisation n’est licite que si le salarié a été préalablement individuellement informé :

– De la mise en place de ce système ;

– De la finalité poursuivie par ce système ;

– De la nature et du traitement des données personnelles collectées.

Elle ajoute que si la finalité du système est d’assurer le contrôle de la durée du travail, celui-ci n’est licite que lorsque le contrôle ne peut pas être effectué par un autre moyen.

En outre, la géolocalisation du salarié ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle, ce qui est notamment le cas, comme dans les deux cas d’espèce, d’un système qui contrôlerait de manière permanente les déplacements du salarié, y compris en dehors de son temps de travail.

La Cour reprend ainsi à son compte une délibération de la CNIL de 2015 qui prohibe la collecte de données personnelles de géolocalisation en dehors du temps de travail du conducteur (notamment lors de ses trajets domicile-travail ou de ses temps de pause).

Pour autant, la haute juridiction tempère la sévérité de ce principe lorsque les données de géolocalisation sont utilisées comme moyen de preuve, en particulier dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Elle juge ainsi que l’illicéité d’un mode de preuve portant atteinte à la vie privée d’un salarié, n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant mettre en balance le droit au respect de la vie privée du salarié et le droit à la preuve, pour apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.

En un mot, la production de données de géolocalisation illicites doit être indispensable à l’exercice du droit de la preuve pour être admise.

 

Notre avis : Soyez vigilants lorsque vous soumettez vos salariés à un dispositif de géolocalisation, en particulier lorsque celui-ci est installé sur un véhicule de fonction, pouvant donc être utilisé pour des déplacements personnels.

Dans cette hypothèse, la CNIL recommande que le dispositif soit désactivable par le salarié à l’issue du temps de travail ou pendant les temps de pause.

 

*Cass. Soc., 22 mars 2023, n°21-22.852 et 21-24.729

 

 

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