Faire face à la situation du confinement

 

 

Par notre Pôle Social, le 17 mars 2020

 

Comme nous le pressentions tous, une mesure de confinement de 15 jours a été annoncée hier par le Président de la république. De nombreuses questions restent néanmoins encore en suspens, auxquelles nous espérons pouvoir répondre dans les heures ou jours à venir.

Pour bon nombre d’entre nous, cela signifie d’ores et déjà qu’il est interdit de circuler sauf pour se prêter à des activités essentielles : se rendre dans une surface alimentaire ou dans une pharmacie. Au-delà, quasiment tout déplacement – qui risquerait de nous mettre en contact avec d’autres personnes – est interdit.

Pour les entreprises, cela signifie que :

– soit on participe à une activité essentielle (les surfaces alimentaires ou pharmacie visées plus haut, mais aussi les activités de fourniture d’énergie, industrie de matières périssables, travaux intéressant la défense nationale, etc.), ce qui conduit à un maintien d’activité, voire à une hausse de l’activité

– soit on participe à une activité qui doit être maintenue avec une réduction de personnel (activités dans les médias, dans les télécoms, activité de maintenance des machines, activité des usines à feu continu etc.)

– soit on participe à une activité « non essentielle » qui ne peut donc être assurée qu’en pointillé voire mise entre parenthèses pendant quelques semaines (activité évènementielle par exemple).

 

1. Participation à une activité essentielle


1.1

Il est possible de rappeler qu’ici joue à plein le principe de l’obligation de sécurité qui incombe à tout employeur quant à la santé physique et morale des salariés (obligation issue
de l’arrêt du 28 février 2002 n°00-11.793).

Rappelons à ce titre et ceci vaut quelle que soit la catégorie dans laquelle on se trouve, qu’un employeur doit prendre toutes les mesures de prévention et de sécurité requises par une situation afin que les salariés ne développent une maladie professionnelle.

Une maladie professionnelle serait considérée comme une faute inexcusable dès lors que l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel étaient exposés les salariés
et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver.

L’employeur est d’ailleurs reconnu responsable des atteintes à la santé et à la sécurité de ses salariés même si les agissements en cause ont été commis par des personnes qui ne sont pas les salariés de l’entreprise (Cass. Soc. 30 janvier 2019 n°17-28.905). On pense immédiatement ici aux clients d’un commerce qui enfreindraient les règles de distance et risqueraient de contaminer les salariés.

L’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention nécessaire pour faire cesser les faits portant atteinte à la santé d’un salarié (Cass. Soc. 25 novembre 2015 n°14-24.444).

1.2

Ceci étant posé, il convient donc pour chacune des entreprises concernées par un maintien intégral de son activité et notamment pour les activités recevant du public de suivre
scrupuleusement les recommandations du gouvernement qui elles-mêmes sont dictées par un comité scientifique et sont mises à jour régulièrement. 

Ces recommandations se trouvent sur le site internet suivant : https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus (et notamment un espace « espace pour les professionnels »).
Ces mesures sont évolutives, il convient donc de se mettre à jour régulièrement.

Bien entendu ces mesures ne sont rien sans une participation active des salariés et des clients de ces entreprises.

S’agissant des salariés, il incombe à chacun d’entre eux de prendre soin et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail (article L 4122-1 du code du travail).
Il conviendra également de faire face à une potentielle hausse de l’activité voire à une réorganisation de celle-ci (changement des horaires d’ouverture, mise en place de mesures
spécifiques exemple : présence de vigiles pour l’accès aux magasins etc…)
Dans cette hypothèse, il est naturellement possible d’avoir recours à des embauches supplémentaires de salariés en contrats à durée déterminée pour surcroît d’activité et également de moduler les durées du travail des salariés déjà embauchés. Certaines dispositions du Code du travail permettent de déroger aux durées maximales de travail et aux repos. Elles peuvent être appliquées dans des situations d’urgence sur des périodes limitées après information et/ou demande d’autorisation de l’inspection du travail et ou de la DIRECTE ainsi que des représentants du personnel.

 

2. Participation à une activité maintenue avec une réduction de personnel


Ici un choix doit être opéré pour déterminer les personnels qui doivent continuer à travailler.
Une « cartographie » de l’entreprise doit donc être réalisée. Il convient dans ce cadre que chaque direction opérationnelle ou service désigne les personnes à même de prendre les décisions en vérifiant qu’ils détiennent bien les pouvoirs et délégation de signature nécessaires à la continuation de l’activité.
A cette fin, les chefs de service sont en charge : 

– d’identifier les postes et fonctions indispensables à la poursuite de l’activité, et de déterminer les salariés aptes à tenir ces postes en tenant compte de la polyvalence,

– de tenir compte de la disponibilité prévisible des collaborateurs en fonction de la fermeture des crèches et des écoles et de l’éventuelle limitation des transports en commun,

– de prendre en compte la nécessité d’un maintien à domicile durant la période pandémique en raison d’un handicap ou d’un facteur médical,

– de déterminer les activités et postes de travail pouvant être exercés à distance (télétravail). L’article L. 1222-11 du code du travail mentionne en effet le risque épidémique comme pouvant justifier le recours au télétravail sans l’accord du salarié même s’il est évidemment préférable de l’obtenir. La mise en œuvre du télétravail dans ce cadre ne nécessite aucun formalisme particulier.

 

3. Participation à une activité « non essentielle »


3.1

Dans cette hypothèse, les salariés n’ayant quasiment plus l’autorisation de se déplacer et/ou l’activité de l’entreprise étant très fortement réduite voire inexistante, deux possibilités
doivent être envisagées :

– si le poste de travail le permet et si cela est opportun, il convient de mettre en place le télétravail (cf. ci-dessus article L. 1222-11 du code du travail),

– si le télétravail est impossible, le salarié ne travaille plus.

Dans ce cas, il est possible de placer le salarié en congés payés avec son accord. Il importe de signaler d’ailleurs que si des salariés étaient déjà en congés payés au moment
où le confinement est annoncé, le congé se déroule de manière normale jusqu’à sa fin prévue.

3.2

Cette situation de congé n’est bien entendu qu’un pis-aller et se pose la question de savoir si les employeurs pourraient priver les salariés de leur rémunération ; la force majeure pourrait être une cause de suspension du contrat non imputable ni à l’employeur ni  à l’employé.

Le contrat de travail serait considéré comme suspendu et non pas résilié. Cette suspension de l’exécution du contrat de travail entraînerait l’interruption de la prestation de travail et
dispenserait l’employeur du versement de la rémunération.

A l’heure actuelle, il est évident que le gouvernement privilégie une autre issue : celle du chômage partiel. Ce dispositif devrait réformé par décret dans les jours à venir pour adapter
le recours à l’activité partielle à l’urgence de la situation liée à l’épidémie du coronavirus. En effet, face à l’épidémie annoncée, le gouvernement a déclaré qu’il entendait limiter au
maximum l’impact du coronavirus sur l’activité économique et s’est fixé 3 objectifs : maintenir le tissu économique, éviter d’éventuelles défaillances d’entreprises et préserver
l’emploi.
Ainsi, les entreprises en difficulté ont pu demander un report du paiement de leurs charges sociales dont l’échéance était fixée au 15 mars.

En outre, pour maintenir l’emploi dans les entreprises, le dispositif d’activité partielle est simplifié et renforcé. 
Le principe est le suivant : le dispositif d’activité partielle peut être sollicité par les entreprises dans le cadre de circonstances à caractère exceptionnel (article R. 5122-1 du code du travail). Les salariés qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable soit à la fermeture temporaire de l’établissement (ou d’une partie de l’établissement), soit à la réduction de l’horaire de travail habituellement pratiqué dans l’établissement en deçà de la durée légale du travail, bénéficient d’une allocation spécifique qui est à la charge de l’Etat.

Lorsque les salariés sont placés en position d’activité partielle, le contrat de travail est suspendu mais non rompu. Ainsi, sur les heures ou périodes non travaillées, les salariés ne
doivent pas être sur leur lieu de travail, à disposition de leur employeur et se conformer à
ses directives.

Le contrat de travail étant suspendu, les salariés perçoivent une indemnité compensatrice versée par leur employeur. Cette indemnité doit correspondre au minimum à 70 % de la
rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. En cas de formation pendant l’activité partielle, cette indemnité est portée à 100 % de la rémunération nette
antérieure.

L’exécutif s’est engagé concernant le délai de réponse de l’administration aux demandes de prise en charge de l’activité partielle lequel ne doit pas dépasser 15 jours en temps normal.
Les demandes auprès des Direccte continueront en effet à être traitées sous 48 heures comme depuis le début de la crise, le décret à paraître devrait entériner cette position.

En outre, dans la situation de l’activité partielle liée à l’épidémie de coronavirus, dans un premier temps, le gouvernement avait décidé de porter cette allocation à 8,04 euros
(équivalent du Smic) par heure chômée pour les entreprises de moins de 250 salariés. Pour les plus grandes, le montant de l’allocation devait restée inchangé (7,23 euros). Dans un communiqué de presse en date du 16 mars, le gouvernement a décidé d’améliorer ce remboursement : le décret à paraître devrait prévoir un remboursement de 100% des indemnisations versées aux salariés par les entreprises, dans la limite de 4,5 SMIC.

Plus précisément, le taux horaire de l’allocation d’activité partielle versée à l’employeur serait égal à 70 % de la rémunération brute, dans la limite de 4,5 fois le taux horaire du
Smic.

Par ailleurs, pour ne pas pénaliser les entreprises qui peinent notamment à accéder au serveur de l’Agence de service de paiement qui subit un afflux exceptionnel de demande,
le ministère du Travail a décidé d’accorder aux entreprises un délai de 30 jours pour déposer leur demande, avec effet rétroactif.

Enfin, le FNE (Fonds national de l’emploi) et les opérateurs de compétences (OPCO) vont être mobilisés pour maintenir l’effort de formation durant la période d’activité partielle. Il convient de s’attendre à ce que de nombreuses autres mesures soient prises comme c’est le cas actuellement en Italie (bon de baby-sitter, congé spécial égal à x% du salaire, indemnité pour les indépendants etc…).

A ce stade, nous n’avons aucune visibilité sur ces potentielles mesures et attendons patiemment la parution du décret sur le chômage partiel.