« DSA / DMA : le changement dans la continuité »
Paris, le 15 mars 2021
Interview d’Anne Cousin, associé, dans le dernier numéro (n°466 – Mars 2021) du magazine Expertises des systèmes d’information.
Article de Sylvie Rozenfeld
« La Commission européenne a conçu un projet de réglementation duale, à travers le Digital Services Act et le Digital Markets Acts, afin de mettre fin à l’irresponsabilité des géants du numérique et de réguler les contenus en ligne. Lors d’une interview croisée, Anne Cousin, avocate spécialisée en droit du numérique et Jean-Mathieu Cot, avocat spécialisé en droit de la concurrence, ont décrypté ces deux textes. Selon eux, il n’y a pas vraiment de rupture mais une évolution avec des aménagements pour le DSA et l’utilisation de vieux outils du droit de la concurrence avec une application nouvelle pour le DMA. Vers plus de régulation pour plus d’électivité ? C’est en tout cas l’objectif.
Sylvie Rozenfeld : Reprendre le contrôle sur notre souveraineté économique et politique, tel est un des objectifs de la réglementation duale que vient de proposer la Commission européenne, d’un côté, le Digital Services Act (DSA) tente de trouver un équilibre entre d’une part l’irresponsabilité des fournisseurs de services numériques pour le contenu mis en ligne par des tiers et des obligations de vigilance et de transparence. D’un autre côté, le Digital Markets Act (DMA) a pour but de lutter contre les éventuels comportements abusifs et anticoncurrentiels des « plateformes structurantes » ou « gatekeepers ».
Pour réfléchir à cette réglementation duale, nous avons pensé qu’il était intéressant de croiser l’analyse d’un spécialiste du droit du numérique et des contenus, Anne Cousin, avocate associée du cabinet Herald, et d’un spécialiste du droit de la concurrence, Jean-Mathieu Cot, fondateur du cabinet Cot Law.
Pensez-vous que le DSA et le DMA soient des instruments de rupture ? Autrement dit, l’Europe fait-elle preuve d’audace normative ou d’un changement dans la continuité ?
Anne Cousin : Pour le DSA, il s’agit clairement d’un changement dans la continuité. Nous sommes passés d’un texte un peu global (la directive e-commerce transposée par la LCEN) à des distinctions plus fines, notamment selon la taille et le métier des intermédiaires. Mais les grands principes sont maintenus. Ainsi le principe fondamental selon lequel lorsqu’un message diffusé en ligne n’émane pas de l’intermédiaire technique, celui-ci n’en répond pas, immédiatement et de plein droit. Et ce principe est considéré comme étant au cœur des libertés que permet l’internet, que ce soit la liberté d’expression ou la liberté du commerce. C’est un principe à l’origine du droit du numérique, même avant 2000.
Il n’y a donc pas de rupture mais des aménagements qu’on attendait. Je pense notamment à la distinction suivant la puissance de feu des intermédiaires et selon leur métier. Le DSA procède par cercles concentriques. Il y a de plus en plus d’obligations, du fournisseur d’accès jusqu’aux grandes plateformes, celles qui s’adressent à plus de 10% de la population européenne. Les obligations qu’on leur impose ne sont pas forcément inédites. Ces grandes plateformes ont déjà mis en place un certain nombre d’engagements ou de politiques que le DSA impose désormais. Par ailleurs, avec le règlement, on fait entrer dans le droit des distinctions qui mettent à l’abri les hébergeurs
des hésitations de la jurisprudence qui n’était pas toujours à leur avantage, notamment en France. Ces incertitudes sont très préjudiciables aux plateformes. Il est important qu’elles restent libres de décider de leur ligne, de ceux à qui elles s’adressent, des produits qu’elles veulent ou non promouvoir, de leur politique de rédaction des annonces sans risquer de perdre ce statut. »
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