Droit de grève : protester n’est pas jouer

 

 

Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy, le 27 mai 2022

 

Le droit de grève est défini de très longue date par la jurisprudence comme la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles (Cass. Soc., 2 février 2006, n°04-12.336).

Lorsqu’il est exercé de manière régulière, il permet aux salariés grévistes de bénéficier de dispositions protectrices prévues par le Code du travail, telles que l’interdiction du licenciement pour ce motif (sauf faute lourde) et celle de mesures discriminatoires notamment en matière de rémunération et d’avantages sociaux (article L2511-1).

La question s’est posée de l’application de ce régime protecteur à la pratique toujours plus courante des « grèves de solidarité » ayant pour objet non pas de formuler des revendications professionnelles, mais simplement de protester collectivement contre une décision de l’employeur.

En l’espèce, plusieurs salariés avaient collectivement cessé le travail afin de protester contre le licenciement d’un de leurs collègues qu’ils estimaient abusif et déloyal.

Dans un courrier remis à l’employeur pour justifier leur interruption de travail, ils contestaient point par point les griefs disciplinaires reprochés à ce collègue, sans formuler de revendication professionnelle.

Licenciés à leur tour pour absence non-autorisée à leur poste de travail, les frondeurs arguaient de la nullité de leur licenciement pour violation du droit de grève, et demandaient leur réintégration dans l’entreprise.

La Chambre sociale de la Cour de cassation* confirme l’arrêt d’appel qui avait jugé leurs licenciements fondés sur une cause réelle et sérieuse, au motif que la cessation du travail, qui n’était fondée sur aucune revendication professionnelle, ne constituait pas l’exercice du droit de grève.

 

Notre avis : Cet arrêt appelle une certaine prudence car il ne doit pas conduire à considérer qu’aucun mouvement collectif de soutien à un salarié licencié ou dont le licenciement est envisagé, ne peut être considéré comme une grève.

L’exercice du droit de grève est ici écarté car le mouvement est totalement étranger à toute revendication.

La solution aurait été différente si le salarié soutenu avait été sanctionné pour avoir lui-même porté des revendications : la protestation de ses collègues, qui s’y rattache, constitue alors une grève (Cass. Soc., 30 juin 1976, n°75-40.401).

 

* Cass. Soc. 6 avril 2022 n° 20-21.586

 

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