Discrimination au travail : comparaison n’est pas raison

 

Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy le 29 septembre 2023

 

L’article L1132-1 du Code du travail prohibe toute forme de discrimination au travail en raison notamment de l’origine du salarié, de son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, ou une prétendue race.

De tels actes discriminatoires peuvent être notamment caractérisés par le fait d’être écarté d’un processus de recrutement, ou par la notification d’une sanction disciplinaire, ou encore par toute autre mesure discriminatoire en matière de rémunération, d’intéressement, de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.

La discrimination suppose-t-elle cependant nécessairement une inégalité de traitement entre la personne qui s’en prétend victime, et les autres salariés de l’entreprise ?

C’est la question qui a été posée récemment à la Chambre sociale de la Cour de cassation.

En l’espèce, une salariée sollicitait en justice la condamnation de son ancien employeur à lui verser des dommages et intérêts pour discrimination à raison de son origine, celui-ci ayant pour habitude, selon plusieurs attestations produites, de la désigner, soit devant elle, soit en son absence, comme « la libanaise ».

L’employeur, pour sa défense, soutenait que ces propos, aussi inappropriés qu’ils soient, n’avaient entraîné aucune différence de traitement entre cette salariée et ses collègues.

La Cour d’appel l’avait suivi dans ce raisonnement, écartant en l’espèce l’existence d’une discrimination.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation*, qui retient au visa de loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, que la discrimination inclut tout comportement ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

Elle ajoute que son existence n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.

 

Notre conseil : Par deux autres arrêts du même jour, la Cour de cassation retient une discrimination dans des cas où c’est bien une inégalité de traitement qui était en cause : d’abord un salarié qui en raison de son état de santé et de son origine, était rémunéré en deçà des minima conventionnels et n’avait bénéficié d’aucune évaluation ni formation en 13 ans d’ancienneté (n°22-12.931), ensuite un salarié travaillant en mi-temps thérapeutique dont l’assiette de la participation n’était pas calculée selon son salaire normal (n°22-12.293).

 

Gardons à l’esprit que si la discrimination reste dans la plupart des cas affaire de comparaison entre la situation respective des salariés, elle peut être caractérisée de manière autonome.

 

*Cass. Soc., 20 septembre 2023, n°22-16.130

 

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