Comment gérer les conséquences du Coronavirus
(Note mise à jour le 28 avril 2020 après publication du décret n°2020-471 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’état d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 dans le domaine du travail et de l’emploi)
Par notre Pôle Social
Les contacts et déplacements ont été réduits au strict minimum sur l’ensemble du territoire depuis le mardi 17 mars.
Cette situation a entrainé des changements dans la gestion de l’épidémie pour les employeurs, raison pour laquelle la présente note a été mise à jour.
1. Quelles sont les mesures que l’employeur doit prendre pour protéger la santé de ses salariés ?
2. Quelles sont les mesures à prendre en cas de contamination d’un salarié ?
3. Quelles sont les mesures à prendre si un salarié présente des symptômes ?
5. Comment gérer la situation d’un salarié considéré comme étant à risque élevé ?
7. L’employeur peut-il imposer la prise de congés payés ou de jours de repos à ses salariés ?
8. Quelles sont les règles générales relatives à l’exercice du droit de retrait ?
9. L’employeur a-t-il des outils lui permettant de faire face à la variation de son activité ?
10. L’employeur peut-il considérer que le coronavirus constitue un cas de force majeure ?
11. Qu’advient-il des demandes de rupture conventionnelle adressées à la DIRECCTE ?
12. Comment mener la procédure de licenciement pendant la période de confinement ?
13. Maintien de salaire pour les salariés en arrêt de travail – Mesures exceptionnelles
Les contacts et déplacements ont été réduits au strict minimum sur l’ensemble du territoire depuis le mardi 17 mars.
Cette situation a entrainé des changements dans la gestion de l’épidémie pour les employeurs, raison pour laquelle la présente note a été mise à jour.
1. Quelles sont les mesures que l’employeur doit prendre pour protéger la santé de ses salariés ?
Il incombe à l’employeur dans la situation actuelle notamment de :
procéder à l’évaluation des risques encourus sur les lieux de travail qui ne peuvent être évités en fonction de la nature du travail à effectuer ;
– déterminer, en fonction de cette évaluation les mesures de prévention les plus pertinentes ;
– associer à ce travail les représentants du personnel ;
– solliciter lorsque cela est possible le service de médecine du travail qui a pour mission de conseiller les employeurs, les travailleurs et leurs représentants et, à ce titre, de préconiser toute information utile sur les mesures de protection efficaces, la mise en œuvre des « gestes barrière » ;
– respecter et faire respecter les gestes barrière recommandés par les autorités sanitaires.
L’employeur doit ainsi toujours procéder à une évaluation du risque professionnel.
Cette évaluation doit de toute évidence être renouvelée en raison de l’épidémie pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail par des mesures telles que des moyens de prévention, des actions d’information et de formation ainsi que par la mise en place de moyens adaptés.
L’employeur doit veiller à leur adaptation constante pour tenir compte des changements de circonstances. Il doit en informer les salariés.
> S’informer de la situation
L’employeur doit se tenir informé quotidiennement des consignes diffusées par le gouvernement (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus).
> Consulter le CSE
Le CSE, plus particulièrement la CSSCT s’il en existe une, doit ainsi être associé à la démarche d’actualisation des risques et consulté sur la mise à jour du document unique d’évaluation des risques étant précisé que les mandats des représentants du personnel ne sont pas suspendus.
Les salariés peuvent donc utiliser leurs heures de délégation. Il convient toutefois de faire respecter les mesures barrières : se tenir à 1 mètre des salariés continuant à travailler, etc.
Il est rappelé que le recours à la visioconférence est préconisé dans le contexte actuel.
> Repenser son organisation
Suite au passage au stade 3 de l’épidémie, le télétravail est devenu la norme pour tous les postes qui le permettent.
Néanmoins, si l’activité de la société ne le permet pas, il est impératif de garantir la sécurité des salariés notamment par :
→ Les règles de distanciation et les gestes barrière doivent impérativement être respectés ;
→ Il convient de limiter au strict nécessaire les réunions :
¤ la plupart peuvent être organisées à distance.
¤ les autres doivent être organisées dans le respect des règles de distanciation ;
→ Il convient de limiter les regroupements de salariés dans des espaces réduits ;
→ Les déplacements (sortie et réunion) non indispensables doivent être annulés ou reportés ;
→ L’organisation du travail doit être au maximum adaptée, il peut par exemple être mis en place une rotation des équipes ;
→ Le restaurant d’entreprise s’il existe peut rester ouvert mais il doit être aménagé pour laisser un mètre de distance entre les personnes à table. L’étalement des horaires de repas est recommandé ;
→ Il convient également de faire en sorte que les salariés évitent de se retrouver avec les personnes dites fragiles ainsi évidemment que les contacts proches par exemple dans les ascenseurs.
> Diffuser aux salariés les mesures de prévention
L’employeur doit transmettre les mesures de prévention par note de service diffusée par mail ou affichage, vidéo, intranet, etc…
L’employeur doit ainsi rappeler :
→ les mesures d’hygiène et les gestes barrière applicables pour tous les salariés :
¤ se laver les mains très régulièrement ;
¤ tousser ou éternuer dans son coude ;
¤ saluer sans se serrer la main et éviter les embrassades ;
¤ utiliser des mouchoirs à usage unique ;
¤ dans la mesure du possible, porter un masque quand on est malade ;
→ la responsabilité de chacun de prendre soin de sa santé et le fait qu’en cas de doute sur son état de santé, il convient de se retourner soit vers le SAMU en cas de risque de contamination identifié ou vers un médecin de ville dans le cas contraire ;
→ les mesures de prévention adaptées pour les personnes dites « fragiles » ;
→ les mesures de prévention renforcées pour les salariés qui ont un risque important d’être contaminé.
L’employeur doit également former les salariés aux moyens de prévention mis en place dans l’entreprise et s’assurer qu’ils sont respectés.
> Eviter les déplacements
La principale recommandation sanitaire pour les entreprises est d’éviter tout déplacement professionnel.
Néanmoins, les trajets domicile-travail, dès lors que le télétravail n’est pas possible ainsi que les déplacements professionnels qui ne peuvent pas être différés sont admis uniquement à condition :
→ Pour les salariés : d’être muni d’un justificatif professionnel de déplacement signé par l’employeur. Ce justificatif a un caractère permanent pour les déplacements domicile-travail ;
→ Pour les travailleurs non salariés qui ne peuvent disposer d’un justificatif de déplacement établi par l’employeur : d’être muni de l’attestation individuelle de déplacement dérogatoire (à remplir par le travailleur non salarié lui-même).
A cet égard et pour rappel, le nouveau modèle d’attestation individuelle de déplacement dérogatoire est en ligne sur le site gouvernement.fr depuis le 24 mars au soir et remplace désormais le précédent.
Il n’est plus nécessaire pour les travailleurs salariés, de le remplir en sus du justificatif professionnel permanent.
> Prendre des mesures particulières pour les postes exigeant des contacts
La transmission du virus se fait par un contact étroit avec une personne déjà contaminée, par l’inhalation de gouttelettes infectieuses émises lors d’éternuements ou de toux par la personne contaminée. Pour les contacts brefs, les mesures « barrières » (notamment lavage très régulier des mains) permettent de préserver la santé des travailleurs.
Lorsque les contacts sont prolongés et proches, il peut être opportun de compléter les mesures « barrières » par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre et/ou par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié et/ou par le lavage fréquent des mains etc…
> L’employeur doit mettre à jour son document unique d’évaluation des risques
L’entreprise doit évaluer les risques en raison de l’épidémie pour réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail. Il s’agit également d’anticiper les risques liés à l’épidémie et de traiter les risques nouveaux générés par le fonctionnement dégradé de l’entreprise (aménagement des locaux, réorganisation du travail, affectation sur un nouveau poste, télétravail etc…).
Pour cela, il doit :
→ Identifier les situations de travail pouvant favoriser la transmission du virus (proximité des postes de travail, contact direct à moins d’1 mètre, difficultés à se laver régulièrement les mains, etc.) ;
→ Décider des mesures de prévention : télétravail si possible, sinon annulation et/ou restriction des réunions, mise en place des mesures barrières, etc.
Dans la mesure du possible, il convient d’associer le CSE et le service de santé au travail dans cette mise à jour.
> L’employeur doit mettre à disposition des IRP le registre des alertes
En cas d’alerte, l’employeur doit immédiatement mener une enquête avec l’auteur de l’alerte.
Si l’employeur doit mettre en place des mesures préventives lorsque le télétravail n’est pas possible, les mesures doivent naturellement rester licites.
La CNIL a mis en garde quant à la collecte systématique de données relatives à la santé des salariés et a indiqué qu’il n’était pas possible de mettre en œuvre des relevés quotidiens de température corporelle transmis à la hiérarchie.
2. Quelles sont les mesures à prendre en cas de contamination d’un salarié ?
→ équipement des personnes en charge du nettoyage des sols et surfaces avec port d’une blouse à usage unique, de gants de ménage (le port de masque de protection respiratoire n’est pas nécessaire du fait de l’absence d’aérosolisation par les sols et surfaces) ;
→ entretien des sols, en privilégiant une stratégie de lavage-désinfection humide de sorte que :
o les sols et surfaces soient nettoyés avec un bandeau de lavage à usage unique imprégné d’un produit détergent ;
o les sols et surfaces soient ensuite rincés à l’eau du réseau d’eau potable avec un autre bandeau de lavage à usage unique ;
o un temps de séchage suffisant de ces sols et surfaces soit laissé ;
o les sols et surfaces doivent être désinfectés avec de l’eau de javel diluée avec un bandeau de lavage à usage unique différent des deux précédents;
→ les déchets produits par la personne contaminée suivent la filière d’élimination classique.
L’employeur doit également informer les salariés susceptibles d’avoir été en contact avec un personnel contaminé et prendre toute mesure d’organisation adaptée.
Enfin, il est recommandé à l’employeur d’associer si possible son service de santé au travail afin d’obtenir des recommandations au plus près de sa situation et de se rapprocher des représentants du personnel.
3. Quelles sont les mesures à prendre si un salarié présente des symptômes ?
En cas de suspicion, il est recommandé de renvoyer le salarié à son domicile pour qu’il appelle son médecin. En cas de symptômes graves, l’employeur, doit contacter le 15.
4. Comment gérer la situation du salarié contraint de garder son enfant en raison de la fermeture de l’établissement scolaire ?
Si le poste de travail le permet, le télétravail est évidemment la solution à privilégier.
Si aucune autre solution ne peut être retenue, le salarié peut bénéficier d’un arrêt de travail.
Pour cela, l’employeur doit déclarer son arrêt sur le site Internet dédié https://www.ameli.fr ou sur le site https://declare.ameli.fr et demander à son salarié d’adresser une attestation dans laquelle il s’engage à être le seul parent qui demande le bénéfice d’un arrêt de travail pour garder l’enfant à domicile dont il indique le nom et l’âge, le nom de l’établissement scolaire et celui de la commune où l’enfant est scolarisé ainsi que la période de fermeture de l’établissement scolaire concerné.
Une fois la déclaration effectuée, l’employeur reçoit un courriel confirmant la déclaration. Il envoie ensuite les éléments nécessaires à la liquidation de l’indemnité journalière selon la procédure habituelle applicable aux arrêts maladie.
L’employeur est ensuite subrogé dans les droits du salarié vis à vis de la CPAM.
5. Comment gérer la situation d’un salarié considéré comme étant à risque élevé ?
Une note diffusée sur le site Ameli le 17 mars, étend le téléservice de déclaration en ligne, à compter du 18 mars, aux « personnes dont l’état de santé conduit à les considérer comme présentant un risque de développer une forme sévère de la maladie Covid-19 » si aucune solution de télétravail n’est possible. Sont notamment concernées : les femmes enceintes, les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques, d’insuffisances respiratoires chroniques, de mucoviscidose, d’insuffisances cardiaques.
6. L’employeur doit-il maintenir le salaire de ses salariés en cas d’arrêt de travail (en l’absence de dispositions conventionnelles sur le maintien de salaire) ?
Le salarié qui se trouve en arrêt de travail en raison d’une mesure d’isolement pour limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus, ou en tant que parent d’un enfant de moins de 16 ans dont l’établissement scolaire est fermé bénéficie, en plus des indemnités journalières de la sécurité sociale sans délai de carence, de l’indemnisation complémentaire versées par l’employeur dès le 1er jour d’absence, sans condition d’ancienneté, sans avoir à justifier dans les quarante-huit heures de son incapacité et sans avoir à être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres Etats partie à l’accord sur l’Espace économique européen (D. n° 2020-193, 4 mars 2020 : JO, 5 mars ; Ord. n° 2020-322, 25 mars 2020 : JO, 26 mars).
Le salarié en arrêt de travail en raison d’une incapacité résultant d’une maladie ou d’un accident bénéficie également de la suppression du délai de carence sans condition d’ancienneté.
En revanche, les textes ne prévoient pas la suppression du délai de carence des indemnités complémentaires versées aux personnes « à risque élevé » en arrêt de travail.
7. L’employeur peut-il imposer la prise de congés payés ou de jours de repos à ses salariés ?
A titre liminaire et pour rappel, il est de jurisprudence bien établie que la première cause de suspension du contrat de travail prévaut. Ainsi les salariés déjà placés en arrêts de travail (pour maladie ou pour garde d’enfants) ou en chômage partiel total, ne peuvent se voir imposer la prise de congés payés ou de jours de repos pendant ces périodes de suspension de leur contrat.
La question se pose donc véritablement pour les salariés encore en activité, qu’elle soit totale ou partielle, exercée en télétravail, dans le cadre des déplacements autorisés ou dans les locaux de l’entreprise.
A leur égard, l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos prévoit désormais un régime dérogatoire permettant à l’employeur, pour faire face aux conséquences économiques, sociales et financières de l’épidémie du covid-19, d’imposer ou de modifier la date de certains repos :
› Concernant les congés payés des salariés (article 1er de l’ordonnance 2020-323)
Pour rappel, l’article L 3141-16 du code du travail prévoit :
« A défaut de stipulation dans la convention ou l’accord conclus en application de l’article L. 3141-15, l’employeur :
1° Définit après avis, le cas échéant, du comité social et économique :
a) La période de prise des congés ;
b) L’ordre des départs, en tenant compte des critères suivants :
– la situation de famille des bénéficiaires, notamment les possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction publique, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ainsi que la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie ;
– la durée de leurs services chez l’employeur ;
– leur activité chez un ou plusieurs autres employeurs ;
2° Ne peut, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue ».
Un accord collectif de branche ou d’entreprise pourra désormais permettre à l’employeur :
→ d’imposer au salarié la prise de congés payés acquis et/ou de modifier les dates de congés déjà posés,
– dans la limite de 6 jours ouvrables
– et en respectant un délai de prévenance d’un jour franc (et non un mois comme habituellement).
Ainsi, en pratique, l’accord collectif pourra autoriser l’employeur à imposer à ses salariés de poser 6 jours de congés ouvrables en leur faisant poser leurs reliquats de congés et/ou en leur imposant de prendre par anticipation leurs congés acquis au cours de la période comprise entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020. Etant précisé qu’en principe, ces congés ne peuvent pas être pris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, c’est-à-dire à compter du 1er mai.
Concernant la modification des dates de congés, s’est posée la question de savoir si la situation actuelle peut être appréciée comme étant « des circonstances exceptionnelles » telles que visées dans l’article précité ?
La Ministre du Travail a répondu par l’affirmative dans un « questions-réponses » du 9 mars dernier.
Cette appréciation devra néanmoins être confirmée par les juges.
→ d’imposer le fractionnement des congés payés sans l’accord du salarié ;
Sauf dispositions conventionnelles contraires, il semblerait que ce fractionnement donne droit aux jours supplémentaires de fractionnement prévus par l’article L. 3141-23 du code du travail.
→ de suspendre temporairement le droit au congé simultané des conjoints ou partenaires liés par un PACS dans une même entreprise afin de permettre, si la présence d’un des deux conjoints seulement est indispensable ou si l’un des deux conjoints a épuisé ses droits à congés, de dissocier les dates de départ en congés.
La période des congés imposés ou modifiés ne pourra toutefois s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
› S’agissant des RTT, jours de repos liés à un aménagement conventionnel du temps de travail ou à un forfait annuel en jours (articles 2 et 3 de l’ordonnance 2020-323)
L’employeur est autorisé, dès maintenant sur décision unilatérale mais sous réserve de respecter un délai de prévenance d’un jour franc :
→ Imposer la prise, à/aux date(s) de son choix sur la période restant à courir jusqu’au 31 décembre 2020 :
– des RTT dont la date est habituellement laissée au choix du salarié,
– des jours de repos supplémentaires conventionnels acquis dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine,
– des journées ou demi-journées de repos acquises par les salariés titulaires d’une convention de forfait annuel en jours.
→ Modifier unilatéralement les dates de prise de ces jours de repos, lorsqu’ils sont déjà planifiés.
› Sur l’utilisation des droits affectés sur le Compte Epargne Temps (CET) (article 4 de l’ordonnance 2020-323)
Il est encore permis à l’employeur, dès à présent sur décision unilatérale mais sous réserve de respecter un délai de prévenance d’un jour franc, d’imposer à la date de son choix la prise de jours déposés sur le compte épargne temps du salarié.
La période des jours de repos CET imposés ne pourra s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
› Nombre maximal de repos imposés (article 5 de l’ordonnance 2020-323)
En dehors du nombre de congés payés que l’employeur peut imposer ou modifier à hauteur de 6 jours ouvrables au maximum, le nombre total des autres jours de repos (RTT, jours conventionnels, repos liés au forfait jours, CET…) que l’employeur peut imposer au salarié ou dont il peut modifier la date, est plafonné à 10.
Il convient donc d’être vigilant sur ce décompte.
En conclusion, l’employeur peut :
– après négociation et signature d’un accord collectif d’entreprise ou de branche sur le sujet, fractionner les congés et interdire la prise simultanée de congés pour les conjoints et partenaires de PACS travaillant dans la même entreprise ;
– après négociation et signature d’un accord collectif d’entreprise ou de branche sur le sujet, imposer ou modifier la prise de congés payés dans la limite de 6 jours ouvrables ;
– dès à présent, sur décision unilatérale, imposer ou modifier jusqu’à 10 jours de repos (RTT, CET, liés à un aménagement conventionnel du temps de travail sur une période supérieure à la semaine, liés à un forfait annuel en jours).
– Sous réserve pour les 2 derniers points :
¤ de respecter un délai de prévenance d’un jour franc,
¤ que la prise effective des jours imposés ou reportés se réalise avant le 31 décembre 2020.
A noter qu’à ce jour, l’ordonnance ne précise pas la période exacte dont l’employeur dispose pour prendre ces décisions (l’ordonnance ne fait référence qu’à la période de prise d’effets de ces décisions qui expirera le 31 décembre 2020).
Par ailleurs, les compensations des heures supplémentaires (qui se décomptent sur la semaine civile), à savoir les repos compensateurs équivalents et la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au delà du contingent annuel, sont exclus du dispositif mis en place par l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020.
L’employeur ne pourrait donc pas imposer la prise ou le report de repos acquis par le salarié en compensation d’heures supplémentaires qui seraient décomptées « classiquement » sur la semaine civile.
8. Quelles sont les règles générales relatives à l’exercice du droit de retrait ?
En vertu des articles L. 4131-1 et suivants du code du travail, un travailleur peut se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il doit alerter l’employeur de cette situation. Il s’agit d’un droit individuel et subjectif.
Dans le contexte actuel, dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer.
9. L’employeur a-t-il des outils lui permettant de faire face à la variation de son activité ?
› En cas de baisse d’activité
→ Si l’activité baisse, le dispositif d’activité partielle peut être sollicité par les entreprises dans le cadre de circonstances à caractère exceptionnel.
Les salariés qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable soit à la fermeture temporaire de l’établissement, soit à la réduction de l’horaire de travail, bénéficient d’une allocation spécifique qui est à la charge de l’Etat.
Toutes les demandes des entreprises doivent être déposées sur le portail dédié https://activitepartielle.emploi.gouv.fr/.
→ Les entreprises peuvent également demander à bénéficier du FNE-Formation en lieu et place de l’activité partielle afin d’investir dans les compétences des salariés.
Formalisée par une convention conclue entre l’Etat (la Direccte) et l’entreprise (ou l’opérateur de compétences – OPCO), le FNE-Formation a pour objet la mise en œuvre d’actions de formation, afin de faciliter la continuité de l’activité des salariés face aux transformations consécutives aux mutations économiques et technologiques, et de favoriser leur adaptation à de nouveaux emplois.
› En cas de hausse d’activité
Certaines dispositions du code du travail permettent de déroger aux durées maximales de travail et aux repos, même si elles sont habituellement mises en place en application d’une convention ou d’un accord d’entreprise. Elles peuvent être appliquées dans des situations d’urgence sur des périodes limitées après information et/ou autorisation de l’inspection du travail ou de la Direccte et souvent après consultation du CSE.
Pour faire face à la hausse d’activité que certaines entreprises rencontrent dans le contexte actuel de lutte contre l’épidémie Covid-19, l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos prévoit également de nouvelles dérogations à la durée du travail et au repos dominical (articles 6 et 7).
→ Dérogations à la durée du travail (article 6 de l’ordonnance 2020-323)
Des dérogations sont prévues pour « les entreprises relevant de secteurs d’activités particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale ». Ces secteurs d’activité seront prochainement précisés par décret.
Pour ces entreprises, il sera permis :
– D’augmenter la durée quotidienne maximale de travail à 12h (contre 10 habituellement)
– D’augmenter la durée quotidienne maximale du travail de nuit à 12h (contre 8) sous réserve de l’octroi d’un repos compensateur égal au dépassement de la durée ;
– De réduire la durée du repos quotidien obligatoire à 9h consécutives (au lieu des 11 heures minimales) sous réserve d’octroyer un repos compensateur égal à la durée du repos dont le salarié n’a pu bénéficier ;
– D’augmenter la durée hebdomadaire maximale de travail à 60h (contre 48) ;
– D’augmenter la durée hebdomadaire de travail (calculée sur une période de 12 semaines consécutives ou 12 mois pour les exploitations, entreprises, établissements mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.722-1 et aux 2°,3° et 6° de l’article 722-20 du code rural et de la pêche maritime et ayant une activité de production agricole) jusqu’à 48h au lieu de 44 ;
– D’augmenter la durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de 12 semaines consécutives jusqu’à 44h.
L’employeur qui usera d’au moins une de ces dérogations devra en informer sans délai et par tout moyen :
– le comité social et économique
– le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.
A noter : Ces dérogations devront cesser au plus tard à la date du 31 décembre 2020.
→ Dérogation au repos dominical (article 7 de l’ordonnance 2020-323)
Cette dérogation, qui consiste à mettre en place un roulement pour le repos hebdomadaire (habituellement positionné sur le dimanche) pour permettre la poursuite de l’activité même le dimanche, concerne cette fois ci non seulement « les entreprises relevant de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique » mais également aux « entreprises qui assurent à ces dernières, des prestations nécessaires à l’accomplissement de leur activité principale ».
Ainsi et pour exemple, une société privée qui fabriquerait des blouses médicales pourrait a priori déroger au repos dominical.
Des précisions seront éventuellement apportées par le décret à venir.
Il semblerait que oui. Dans ces conditions, il serait notamment possible de rompre les CDD en cours du fait de l’épidémie. C’est ce qui aurait été indiqué par la Ministre du travail qui a précisé le 19/03/2020 que l’épidémie pouvait justifier la rupture anticipée du CDD.
Une première décision jurisprudentielle vient d’être rendue (en droit des étrangers) reconnaissant l’épidémie Covid-19 comme un cas de force majeure (Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098).
Saisie à propos de la rétention administrative d’une personne frappée par cette mesure, la Cour n’a pu examiner l’affaire en présence de la personne concernée, laquelle avait été en contact avec des personnels susceptibles d’être infectées par le virus COVID -19. Aussi la cour relève-t-elle que : « ces circonstances exceptionnelles, entraînant l’absence de M. G. à l’audience de ce jour revêtent le caractère de la force majeure, étant extérieures, imprévisibles et irrésistibles, vu le délai imposé pour statuer et le fait que, dans ce délai, il ne sera pas possible de s’assurer de l’absence de risque de contagion et de disposer d’une escorte autorisée à conduire M. G. à l’audience. De plus, le CRA de Geispolheim a indiqué ne pas disposer de matériel permettant d’entendre M. G. dans le cadre d’une visio-conférence, ce dont il résulte qu’une telle solution n’est pas non plus envisageable pour cette audience ».
Il convient toutefois de rester prudent quant à la possibilité de retenir la force majeure en droit social (par exemple pour rompre de manière anticipée un CDD), dès lors qu’aucune décision de juridictions sociales n’est intervenue à ce jour et que l’arrêt précité est isolé et n’a pas été soumis au contrôle de la Cour de Cassation.
11. Qu’advient-il des demandes de rupture conventionnelle adressées à la DIRECCTE ?
L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, s’applique aux procédures de ruptures conventionnelles.
Pour rappel, les dispositions de cette ordonnance prennent effet à compter du 12 mars 2020.
Le décret n°2020-471 du 24 avril 2020 applicable à compter du 26 avril 2020 déterminent les procédures qui ne sont plus soumises à la suspension des délais et notamment l’homologation des ruptures conventionnelles.
Dès lors, après avoir élaboré un rétroplanning, il nous semble que :
→ Pour les ruptures conventionnelles signées au plus tard le 5 février 2020 inclus (ou le 6 en cas de procédure TéléRC) et dont la demande d’homologation est parvenue à l’administration (par courrier RAR ou via le site TéléRC) au plus tard le 22 février inclus, l’homologation est acquise puisque le délai d’instruction dont disposait la DIRECTTE a expiré le 11 mars au soir. Le contrat de travail peut donc être rompu à la date prévue, même si celle-ci tombe pendant la période d’urgence sanitaire.
→ Pour les ruptures conventionnelles signées à compter du 7 février 2020 inclus dont la demande d’homologation est parvenue à l’administration après le 22 février, elles ne pouvaient pas faire l’objet d’une homologation tacite en raison de la suspension des délais par l’ordonnance 2020-306.
Désormais, le délai d’homologation n’étant plus suspendu, les ruptures conventionnelles pourront de nouveau être homologuées de manière tacite.
Le délai d’homologation recommence à courir à compter du 27 avril 2020.
→ Pour les ruptures conventionnelles signées à compter du 13 mars 2020 inclus : Le délai d’homologation de 15 jours ouvrables dont dispose la DIRECCTE a été reporté et commence à courir à compter du 27 avril 2020.
Conseil : Compte tenu du probable retard accumulé par les DIRECCTE dans le traitement des ruptures conventionnelles, il nous semble opportun d’utiliser la procédure « TéléRC », conseillée par les DIRECCTE lors de la période de suspension, afin d’assurer une réception rapide des demandes par les DIRECCTE.
12. Comment mener la procédure de licenciement pendant la période de confinement ?
En raison du confinement et des mesures gouvernementales actuellement en vigueur, des difficultés matérielles peuvent se poser pour mener une procédure de licenciement jusqu’à son terme.
En premier lieu et pour rappel, la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement doit en principe être remise en main propre contre décharge ou lettre recommandée avec AR.
Or, la plupart des salariés ne sont plus présents dans les locaux de l’entreprise (car en télétravail, arrêt, chômage partiel), la remise en main propre contre décharge est donc difficilement envisageable.
S’agissant de l’envoi de la convocation par RAR, le fonctionnement réduit des services postaux complique actuellement l’acheminement du courrier (allongement des délais) et le rend incertain (certains centres de tri sont fermés).
En outre, la plateforme d’envoi des lettres RAR électroniques connaît de nombreux bugs en raison du nombre exponentiel d’utilisateurs.
Il est donc recommandé de faire appel à des sociétés privées ou particulières comme UPS, Fedex ou Chronopost, dont les services fonctionnent a priori normalement et garantissent un acheminement du pli sous 24h maximum.
Concernant la tenue de l’entretien, plusieurs possibilités sont envisageables :
→ convoquer le salarié dans les locaux de travail en prévoyant notamment la prise en charge de ses frais de taxi et de le recevoir dans un espace suffisamment grand (par exemple une salle de réunion) pour permettre aux personnes présentes lors de l’entretien, de se tenir suffisamment éloignées les unes des autres.
→ organiser la tenue de l’entretien par visioconférence, sur une application comme Teams ou Zoom, qui permet la multi-connexion et ne fait donc pas obstacle à l’assistance du salarié lors de cet entretien.
S’agissant de l’assistance du salarié par un conseiller extérieur, la liste des conseillers peut en principe être consultée sur le site de la DIRECCTE ou obtenue sur demande par l’envoi d’un mail à celle-ci. Pensez donc à préciser l’adresse mail à laquelle le salarié pourra éventuellement adresser sa demande ;
En outre, le salarié peut avoir davantage de difficultés à prendre contact avec l’un des conseillers inscrits sur cette liste et/ou essuyer des refus ; il est donc opportun de lui laisser un peu plus de temps à cet effet, entre la réception de la convocation et la date de tenue de l’entretien, et par conséquent de ne pas s’en tenir au délai minimum de 5 jours ouvrables pleins.
Par ailleurs, le recours à la visioconférence est à ce jour critiqué par une partie de la Doctrine qui considère, sur le fondement de l’article R.1232-1 du code du travail qui prévoit que la lettre de convocation doit notamment préciser le lieu de l’entretien, que ce lieu ne peut s’entendre que d’un lieu physique et non virtuel.
Le risque, qui est celui d’une éventuelle irrégularité de procédure sanctionnée par des dommages intérêts équivalents à 1 mois de salaire, reste cependant assez faible et devrait pouvoir – dans le contexte actuel – être contourné si l’employeur obtient l’accord du salarié sur ce procédé, soit en amont de l’entretien soit au début de celui-ci.
→ par un échange de courrier : une autre pratique pourrait consister à exposer les griefs au salarié dans la convocation ou un mémo joint à celle-ci et proposer au salarié d’adresser par retour ses observations, en l’autorisant à transmettre au préalable la copie de l’exposé des griefs à la personne choisie pour l’assister.
Enfin et de manière générale, l’employeur peut également proposer une option au salarié dans sa lettre de convocation, par exemple le convier à un rendez-vous dans les locaux de l’entreprise et lui proposer à défaut, la tenue de l’entretien par visioconférence.
Le choix final reposera ainsi sur la décision du salarié et limitera le risque de contestation.
Concernant la notification de la lettre de licenciement, celle-ci peut en principe se faire par tout moyen permettant de justifier de sa réception.
Là encore, il est recommandé de recourir à UPS, Chronopost mais la signification par un huissier est également envisageable.
Vous pouvez également doubler d’un envoi par mail.
Enfin et à toutes fins utiles, il nous semble que l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période devrait entrainer la suspension :
– Du délai de 2 mois pour la prescription des faits fautifs ;
– Du délai d’un mois pour la notification des licenciements disciplinaires
Lesquels ne recommenceront à courir qu’à compter du 24 juin 2020 (sous réserve de la modification de la date de sortie de l’état d’urgence arrêtée à ce jour au 24 mai 2020).
13. Maintien de salaire pour les salariés en arrêt de travail – Mesures exceptionnelles
L’ordonnance n° 2020-322 du 25 mars dernier prévoit des règles exceptionnelles de maintien de salaire en complément des indemnités journalières de sécurité sociale pour les salariés en arrêt de travail sans motif médical (notamment pour garde d’enfants de moins de seize ans).
Par ailleurs, pour tous les salariés en arrêt de travail (que ce soit pour motif médical ou non), cette même ordonnance assouplit les règles d’indemnisation prévues par l’article L.1226-1 du Code du Travail, en suspendant la condition d’ancienneté d’un an posée par ce texte.
Les employeurs vont devoir vérifier l’articulation de ces dispositions avec les clauses de maintien de salaire prévues par la Convention Collective dont ils relèvent, et avec leurs contrats d’assurance de prévoyance collective en incapacité/invalidité.
En effet, ces contrats prévoient le versement par l’assureur d’indemnités journalières complémentaires aux IJSS, dans le cadre de la couverture du risque maladie / accident, et ne sont pas conçus pour couvrir les arrêts de travail pour un motif autre que médical.
14. Quid de l’organisation des visites médicales par les services de santé au travail pendant la période d’urgence sanitaire ?
Le décret n°2020-410 du 8 avril 2020 pris en application de l’ordonnance n°2020-386 du 1er avril 2020, autorise le médecin du travail à reporter dans certaines conditions la tenue de ses visites médicales à une date ultérieure, sauf s’il estime nécessaire de respecter l’échéance résultant du droit commun « au regard des informations dont il dispose concernant l’état de santé du salarié, ainsi que les risques liés à son poste de travail ou à ses conditions de travail » (article 4).
Vous trouverez en cliquant ici un tableau récapitulatif et synthétique des délais d’organisation dérogatoires.
Pour de plus amples développements, nous vous renvoyons vivement à la lecture de notre note spécialement consacrée à ce sujet.
L’ensemble de ces informations vous est donnée, sous réserve de précisions apportées par les ordonnances et décrets d’application à venir.
Naturellement, nous ne manquerons pas de vous tenir informés et d’actualiser la présente note.
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