Représentant du personnel et membre du CODIR : le meilleur des deux mondes
Par Guillaume Roland, le 19 janvier 2023
Voici un arrêt qui doit nous ravir. Ravir les juristes car la Cour de cassation y fait une application très stricte du droit, mais ravir aussi tous ceux qui ne croient pas que le monde se divise radicalement en deux, entre patrons et employés.
Il était une fois un directeur des achats membre du CODIR de Cdiscount, entreprise de commerce en ligne. Au-delà de son titre ronflant et des avantages qui vont avec, il avait fait l’objet de deux subdélégations de pouvoirs de la part de son supérieur hiérarchique, subdélégations non signées et dont on ne savait pas s’il en avait eu connaissance.
Recruté en 2018, ce directeur des achats se fait désigner en 2022 par la CFTC en qualité de représentant de section syndicale. Son employeur conteste cette désignation considérant qu’on ne peut être des deux côtés de la barrière.
A la suite du Tribunal judiciaire de Bordeaux, la Cour de cassation* rappelle des principes essentiels dont l’application fine peut surprendre.
Ne peuvent exercer un mandat de représentation du personnel, les salariés assimilables à l’employeur c’est-à-dire ceux qui :
– soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ;
– soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel ou exercent au niveau de l’entreprise à l’égard des représentants du personnel les obligations relevant exclusivement du chef d’entreprise.
Constatant que tel n’était pas le cas pour ce directeur des achats, les juridictions ont donc validé sa désignation.
Se tenant à sa jurisprudence classique, tous les éléments selon elle « annexes », mais qui pourraient être considérés comme militant contre cette double appartenance à des camps opposés (l’accès par ce salarié à des informations sensibles et confidentielles par exemple), n’ont pas fait hésiter la Cour de cassation.
Ce n’est pas la première fois d’ailleurs qu’elle permet à un salarié qui dispose d’un poste élevé dans la hiérarchie, d’être désigné représentant syndical. Elle avait ainsi validé la désignation en qualité de délégué syndical d’un responsable des ressources humaines (Cass. Soc., 21 mai 2003, n°01-60.882).
Notre avis : Un salarié assimilable à l’employeur est exclu des mandats syndicaux. L’interprétation de la Cour de cassation est stricte en la matière, laissant la possibilité à certains salariés de se situer pleinement à l’intersection des deux mondes entre employeurs et employés. Au lieu de leur interdire les prérogatives attachées à l’un ou l’autre de ces mondes, voyons-y une chance d’amélioration du dialogue social et appuyons-nous sur leur entremise pour ce faire.
*Cass. Soc., 20 décembre 2023, n°22-21.983
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