Double-vie, double congé !
Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy, le 24 février 2023
L’article L1132-1 du Code du travail prévoit qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison, notamment, de sa situation familiale.
C’est sur le fondement de ce texte qu’un salarié contestait le refus de son employeur de lui octroyer un second congé de paternité et un second congé de naissance, au titre de la naissance de son deuxième enfant intervenue trois mois après celle de son premier enfant né d’une mère différente.
L’employeur, pour motiver ce refus, invoquait expressément son propre jugement de valeur sur la situation de famille du salarié, qu’il qualifiait de polygame et estimait contraire à la morale.
Le juge départiteur du Conseil de Prud’hommes puis la Cour d’appel de Toulouse*, retiennent toutefois qu’un tel refus, justifié exclusivement par la vie privée et familiale du salarié, repose non sur des considérations objectives, mais sur un motif discriminatoire.
La Cour d’appel va même plus loin que les premiers juges, puisqu’au surplus de l’indemnisation du préjudice matériel subi du fait de cette discrimination (octroi de l’équivalent de rémunération des congés perdus), elle accorde également au salarié des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant de son traitement discriminatoire, demande à laquelle le Conseil de Prud’hommes n’avait pas fait droit.
Notre avis : La décision n’est pas surprenante, car une mesure de l’employeur fondée sur la prétendue immoralité de la vie privée de son salarié ne peut qu’être considérée comme discriminatoire (ce d’autant plus qu’en l’espèce, la situation familiale du salarié n’avait rien d’illégal : s’il était effectivement devenu père de deux enfants dans un court laps de temps, de deux femmes différentes, il n’était pour autant pas polygame au sens juridique du terme).
La Cour d’appel de Toulouse laisse cependant une porte ouverte en laissant entendre que ce refus de congés aurait éventuellement pu être admis si l’employeur l’avait exprimé sur un autre fondement sans lien avec la vie privée, comme par exemple le défaut de justification de la parenté avec le deuxième enfant, ou le non-respect du délai de prévenance d’un mois en vigueur à l’époque des faits.
*CA Toulouse, 16 décembre 2022, n°21/01896
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