Stop à l’instrumentalisation de l’abandon de poste

 

 

Par Guillaume Roland et Sandrine Rousseaule 25 novembre 2022

 

Depuis la sortie de crise liée à la Covid-19, les abandons de postes par des salariés désireux de mettre fin à leur contrat de travail en bénéficiant ensuite de l’assurance chômage, se sont multipliés.

Dans ce contexte et celui d’une nouvelle réforme de l’assurance chômage, le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché* voté les 15 et 17 novembre dernier crée un nouvel article L.1237-1-1 dans le Code du travail, qui prévoit que le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai (dont la durée minimale sera fixée par un décret à venir).

La présomption de démission est toutefois subordonnée au caractère volontaire de l’abandon de poste. En d’autres termes, le salarié ne doit pas avoir été contraint d’abandonner son poste par un comportement fautif de l’employeur ou des raisons de santé ou de sécurité.

En outre, il ne s’agira que d’une présomption simple pouvant être renversée devant le juge judiciaire si le salarié conteste le motif de rupture de son contrat de travail.

A cet effet, il pourra saisir directement le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes, qui devra en principe statuer dans un délai d’un mois, sur la nature de la rupture et les conséquences associées.

Reste à savoir si ces dispositions pourront entrer en vigueur puisque le Conseil Constitutionnel a été saisi dès le 18 novembre 2022** aux motifs que, d’une part, elles priveraient le salarié de moyens convenables d’existence en situation de privation d’emploi, et d’autre part, elles auraient pour effet de provoquer une rupture manifeste d’égalité entre les assurés qui ne se justifie pas par un motif d’intérêt général.

 

Nos avis : Si l’intervention du législateur est louable, elle reste incomplète à plusieurs égards, notamment sur les conséquences indemnitaires de la contestation du salarié qui n’aboutirait pas, et la possibilité par exemple pour l’employeur d’être dédommagé du préavis non effectué. On est donc encore loin de mesures totalement dissuasives pour un réel coup d’arrêt à l’instrumentalisation de l’abandon de poste.

 

*Projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi adopté à l’Assemblée Nationale le 15 novembre 2022 et au Sénat le 17 novembre suivant.

**Recours 2022-844 DC du 18 novembre 2022