La clause à options : un atout patrimonial controversé

 

 

Article de Christophe Bourdel et Brigitte Rakkah – publié dans L’Argus de l’Assurance, le 20 avril 2022

 

 

 

Un contrat d’assurance vie, c’est pour la vie, mais l’identification du bénéficiaire ou ses besoins peuvent évoluer dans le temps. Ce qui est vrai à la souscription peut s’avérer inapproprié quelques années plus tard, ce qui impose un conseil constant tout au long de la vie du contrat.
Pour éviter cet écueil, la pratique a imaginé une clause bénéficiaire qui laissera une marge d’appréciation au bénéficiaire de premier rang en lui ouvrant une option lors de l’acceptation de la clause à l’occasion du dénouement du contrat.
C’est précisément l’objet de la clause à options qui permet de transférer le choix de la répartition des capitaux décès au bénéficiaire de premier rang.

 

 

 
I – Le mécanisme de la clause à options

 

La clause à option type est rédigée comme suit :

« Je désigne pour bénéficiaire de mon contrat d’assurance mon conjoint.

A défaut, mes héritiers dont mon conjoint fait partie intégrante étant précisé que le partage des capitaux interviendra en proportion des droits héréditaires de chacun de ces bénéficiaires. »

A l’échéance du contrat par décès de l’assuré, le conjoint dispose des options suivantes :

– Soit accepter le bénéfice du contrat de premier rang et percevoir l’intégralité des capitaux décès. Cette hypothèse concerne le conjoint ayant encore des enfants à charge ou devant faire face à des dépenses courantes élevées et qui a donc besoin de l’intégralité du capital décès ;

– Soit refuser le bénéfice de premier rang et se retrouver bénéficiaire de second rang aux côtés des autres héritiers de l’assuré. Cette hypothèse recouvre plutôt l’hypothèse d’une famille dont les enfants sont devenus indépendants et font face à des besoins financiers qu’ils pourront couvrir avec une partie du capital décès qui leur sera versé avec le régime fiscal favorable attaché à l’assurance vie ;

– Soit refuser purement et simplement le bénéfice de l’entier capital en faveur des héritiers.

Cette clause présente un réel intérêt pour le souscripteur qui souhaite protéger son conjoint sans désavantager ses enfants mais qui ignore comment cet équilibre sera atteint au jour de son décès. En « transférant » sur le bénéficiaire de premier rang le choix entre ces options, le souscripteur s’assure que son conjoint exercera son choix dans l’intérêt de ses héritiers

Toutefois, la validité de cette clause a fait l’objet de controverses doctrinales.

 

II – La clause à options : une clause valide ?

 

Sur un plan fiscal, la validité et l’efficacité d’une telle clause ne sont pas contestées. Depuis une réponse ministérielle du 22 septembre 2016 [1], la doctrine administrative, opposable à l’administration fiscale, admet la pertinence et la neutralité fiscale des clauses à options aux termes desquelles le bénéficiaire désigné par le souscripteur se voit offrir la faculté de choisir entre appréhender l’intégralité de la garantie-décès ou la partager avec les autres héritiers bénéficiaires de second rang.

Ainsi, l’administration fiscal ne voit pas dans la renonciation au bénéfice du premier rang une donation déguisée taxable aux droits de donation au profit des autres héritiers bénéficiaires de second rang.

Sur un plan civil, l’application de cette clause est beaucoup moins évidente compte tenu des spécificités du mécanisme de la stipulation pour autrui sur lequel repose le contrat d’assurance vie.

Les praticiens, initiateurs de cette rédaction, font valoir l’intérêt pratique pour le souscripteur qui peut convenir dès la souscription d’une disposition souple et pragmatique qui laisse le choix au conjoint survivant, le plus à même d’apprécier l’intérêt de la famille et des héritiers d’une façon générale, lors de l’exigibilité du capital.

Une telle clause est présentée comme ne violant aucun principe d’ordre public. Elle pourrait même être considérée comme permettant de réconcilier le conflit immémorable entre l’autonomie de l’assurance vie et les contraintes du doit des successions. En effet, si l’attribution du capital garantie est placée hors succession par l’article L 132-12 du Code des assurances, la désignation en tant que bénéficiaire de second rang des « héritiers » fait rentrer le droit du partage successoral dans l’attribution du fruit du contrat d’assurance vie.

Pour ces différentes raisons, certains praticiens sont donc très friands de cette clause à options.

Mais c’est faire abstraction des critiques d’une partie de la doctrine [2] qui conteste la validité de cette clause à options aux motifs que celle-ci ne serait pas compatible avec le véritable régime de la stipulation pour autrui, et plus particulièrement le caractère exclusif de la qualité juridique de bénéficiaire.

En effet, si le conjoint refuse la qualité de bénéficiaire de premier rang, c’est cette qualité qu’il refuse d’endosser, et il ne pourrait plus « revenir » en tant que bénéficiaire de second rang avec les autres héritiers. La qualité de bénéficiaire est unique et elle ne pourrait être valablement refusée dans un premier temps, puis acceptée dans une seconde étape : « c’est à prendre ou à laisser ».

Au surplus, cette clause pourrait conduire à assimiler l’assurance vie à une libéralité ordinaire qui permettrait au conjoint de favoriser (ou pas) les autres héritiers.

En d’autres termes, l’acceptation par le bénéficiaire a une dimension patrimoniale et personnelle incontestable, unique et exclusive.

Cette querelle n’a pas été tranchée par la jurisprudence et nous ne nous aventurerons pas à un pronostic, mais nous nous limiterons à souligner qu’un risque d’annulation judiciaire d’une clause à options ne peut pas être écartée à ce jour. La prudence conduit donc à avertir clairement le souscripteur sur les risques juridiques d’une telle disposition, voire à lui conseiller une autre solution plus solide aboutissant aux mêmes effets :

 

III – Une solution possible : la clause démembrée assortie d’un quasi-usufruit

 

Afin de dépasser les divergences sur la validité de la clause à options au regard du droit civil, il est possible de faire appel à la technique plus classique de la clause démembrée. Ainsi, le conjoint se voit attribuer le bénéfice du quasi-usufruit et les autres héritiers la nue-propriété à charge pour ces derniers d’accepter une convention de quasi-usufruit régissant la gestion du capital.

Un projet de cette convention de quasi-usufruit pourrait être annexé à la clause bénéficiaire par le souscripteur afin de l’adapter à ses objectifs patrimoniaux.

Ainsi, en application de l’article 587 du Code civil, le démembrement de la clause bénéficiaire donnera naissance à un quasi-usufruit sur une somme d’argent, qui autorise le conjoint survivant à la dépenser, mais à charge de restituer une somme d’un même montant aux nus-propriétaires à l’extinction de son droit, soit, au plus tard à son décès.

Cette clause répond aux réserves de la doctrine tout en conservant l’option offerte au conjoint survivant de choisir l’utilisation du capital en quasi-usufruit qui lui sera versé à travers la convention de quasi-usufruit.

 

 

[1] Rép. min. n° 18026 : JO Sénat 22 sept. 2016, p. 4058, Malhuret

[2] Luc MAYAUX, « Clause bénéficiaire à option : les assureurs peuvent être réticents », L’AGEFI-ACTIS, 22 oct. 2015