Le dépassement de la durée de travail porte nécessairement atteinte à la sécurité et à la santé des salariés
Par Guillaume Roland et Julie Pleuvret le 18 février 2022
Par un arrêt retentissant du 13 avril 2016 (n°14-28.293), la Chambre sociale de la Cour de cassation abandonnait sa jurisprudence dite du « préjudice nécessaire » en vertu de laquelle certains manquements de l’employeur causaient nécessairement un préjudice au salarié sans que ce dernier n’ait l’obligation d’en faire la démonstration.
Depuis lors, le salarié doit, conformément aux principes fondamentaux de la responsabilité civile, prouver la réalité et l’étendue de son préjudice.
Cependant, en référence à des normes constitutionnelles ou internationales, la Cour de cassation admet des exceptions à cette jurisprudence. Ainsi, ouvre droit à réparation sans qu’il soit besoin pour le salarié de faire la preuve d’un préjudice, la perte injustifiée de son emploi (Cass. Soc. 13 septembre 2017, n° 16-13.578), le défaut de mise en place des institutions représentatives du personnel (Cass. Soc., 17 octobre 2018, n° 17-14.392) ou encore très récemment l’atteinte au droit à l’image du salarié (Cass. Soc., 19 janvier 2022, n° 20-12.420).
Par un arrêt du 26 janvier 2022*, la Cour de cassation apporte un nouveau tempérament à sa jurisprudence en sanctionnant la Cour d’appel d’Orléans qui avait refusé d’indemniser un salarié qui justifiait avoir travaillé plus de 50 heures sur une semaine soit au-delà de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures, mais sans « démontrer très exactement en quoi ces horaires chargés lui ont porté préjudice ».
La Cour de cassation décide, à la lumière du droit communautaire, que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.
Elle s’appuie sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) selon laquelle le dépassement de la durée moyenne maximale de travail fixée à l’article 6-b de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu’il soit besoin de démontrer l’existence d’un préjudice spécifique, puisque ce dépassement, qui prive le travailleur d’un repos suffisant, porte atteinte à sa sécurité et à sa santé, et lui cause de ce seul fait un préjudice (CJUE, 14 octobre 2020, C-243/09).
Notre avis : Nous vous le rappelions récemment, l’obligation de sécurité est partout, raison pour laquelle cette jurisprudence ne manquera pas de s’appliquer à tout manquement de l’employeur à une norme garantissant au sens large le droit au repos du salarié.
* Cass. Soc., 2 février 2022, n°20-13.833
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