Relations avec les représentants du personnel et syndicaux pendant la crise sanitaire du Covid-19
(Note mise à jour le 9 juin 2020)
Par notre Pôle Social
Sommaire :
Introduction
2.Comment l’employeur doit-il réagir en cas de refus ?
4.A quel moment l’employeur doit-il consulter le CSE pour recourir au chômage partiel ?
5.Qu’advient-il des réunions avec les IRP pendant la période de confinement ? Faut-il les tenir ?
7.Quid des NAO et autres négociations obligatoires ?
8.Qu’advient-il des élections professionnelles en cours ou devant être organisées ?
11.Les élus peuvent-ils utiliser leurs heures de délégation pendant la période de confinement ?
14.Les accords collectifs peuvent-ils être signés à l’aide d’une signature électronique ?
Dans le contexte de la crise sanitaire du Covid-19 et des consignes édictées par les pouvoirs publics, les employeurs sont contraints de prendre diverses mesures pour assurer la poursuite de leur activité et garantir la protection de leurs salariés.
Parmi ces derniers, se trouvent dans les entreprises d’au moins 11 salariés, des salariés au statut particulier et protecteur que sont les membres de la délégation du personnel au Comité Social Economique (CSE) et dans les entreprises de 50 salariés et plus, les représentants syndicaux (délégués syndicaux, représentants de sections syndicales).
En ces temps difficiles, les membres du CSE sont associés aux prises de décisions de l’employeur et voient leur rôle et responsabilités accrus tandis que les négociations menées avec les délégués syndicaux sont – pour la très grande majorité – suspendues ou reportées.
De manière générale, les relations avec ces différents représentants suscitent de nombreuses interrogations pour les employeurs, auxquelles nous souhaitons apporter les réponses suivantes :
1. Les représentants du personnel et syndicaux peuvent-ils refuser la mise en place du chômage partiel à leur égard ?
En principe, la mise au chômage partiel ne constitue pas une modification du contrat de travail du salarié nécessitant son accord préalable et peut donc lui être imposée (Cass. soc. 9 juin 1999, n° 96-43933).
Cependant, il en allait autrement pour un salarié titulaire d’un mandat de représentation du personnel ou syndical.
En effet, la Cour de cassation jugeait de manière constante, qu’aucune modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut être imposée à un salarié protégé et qu’en cas de refus de ce dernier, il appartient à l’employeur de renoncer à la mesure envisagée ou d’engager une procédure de licenciement (Cass. Soc. 29 janvier 1992 n° 88-44.603 ; Cass. Soc. 18 juin 1996 n° 94-44.653 ; Cass. soc. 19 janvier 2011, n° 09-43194 ; Cass. Soc. 18 décembre 2012 n° 11-13.813).
En outre, elle ajoutait que pour être valable, l’acceptation par le salarié d’une telle modification doit être explicite et ne saurait résulter de la poursuite de l’exécution du contrat aux nouvelles conditions sans protestation ni réserve (Cass. Soc. 11 février 2009 n° 07-43.948).
Néanmoins, dans le contexte actuel de lutte contre l’épidémie du Covid-19, l’ordonnance 2020-323 du 27 mars 2020 a mis en place un régime dérogatoire permettant aux employeurs, d’imposer la mise en place de l’activité partielle aux salariés protégés sans leur accord, dès lors que l’activité partielle affecte tous les salariés de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier auquel est affecté ou rattaché l’intéressé.
2. Comment l’employeur doit-il réagir si le salarié protégé persiste dans son refus ?
La première réaction à envisager est celle de la discussion axée sur le changement de la règlementation applicable et l’importance de faire primer l’intérêt collectif des salariés sur les intérêts personnels du salarié protégé (en pratique, le refus sera probablement motivé par le souhait du salarié de ne pas subir de diminution de sa rémunération liée à l’activité partielle, qui pour rappel, est en principe de 70% de son salaire brut).
Si le salarié protégé persiste, l’employeur devrait pouvoir engager une procédure de licenciement, laquelle sera notamment soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail et donc probablement longue.
A cet égard, plusieurs DIRECCTE ont précisé qu’en application de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, le délai d’instruction de la demande d’autorisation de licenciement ne commencera à courir qu’à compter du 24 juin 2020 (1 mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire fixée à ce jour au 24 mai 2020 mais susceptible d’être modifiée).
Néanmoins, la position de ces DIRECCTE devrait évoluer dans un sens plus favorable aux employeurs, à la suite de la circulaire de la Direction Générale du Travail (DGT) du 7 avril 2020 relative au traitement des demandes de rupture ou transfert du contrat de travail des salariés protégés durant la période de l’état d’urgence justifié par la pandémie de COVID-19 ainsi que les recours hiérarchiques contre les décisions prises dans ce domaine ;
En effet, cette circulaire DGT du 7 avril 2020 précise expressément que les dispositions de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 « n’ont ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que l’autorité administrative prenne légalement une décision expresse dans les délais impartis en période normale. Par suite, elles ne peuvent être regardées, ni comprises comme reportant automatiquement les délais dont dispose tant l’inspecteur du travail que le ministre pour se prononcer. Elles doivent seulement permettre de reporter légalement la décision à prendre dans les cas où l’autorité administrative ne pourrait pas procéder aux investigations nécessaires en raison de l’impact de l’épidémie, y compris en procédant à ces investigations selon les modalités définies par l’instruction du 17 mars dernier » (qui préconise pour instruire les demandes, de privilégier les observations écrites et les échanges de courriels, complétés éventuellement par le recours au téléphone ou la visioconférence).
Ainsi, il ressort de ces dispositions que les inspecteurs du travail sont invités à :
– poursuivre l’instruction des demandes d’autorisations de rupture / transfert des contrats de travail des salariés protégés afin d’y répondre dans les plus brefs délais, de manière expresse ;
– adapter les techniques habituelles d’instruction, notamment pour l’enquête contradictoire, en privilégiant les échanges écrits par l’envoi de courriers et/ou courriels, et en recourant éventuellement au téléphone ou à la visioconférence (en lieu et place des entretiens physiques habituels dans les locaux de l’inspection) ;
En outre, sous réserve de l’impossibilité pour l’administration de procéder aux investigations nécessaires, la suspension des délais ne concerne a priori que les décisions implicites de l’administration.
Plus précisément, pour les demandes de ruptures de contrats de travail des salariés protégés n’ayant pas encore fait l’objet d’une décision et dont le délai d’instruction est de deux mois à compter de leur réception par l’inspecteur :
→ Pour celles réceptionnées avant le 12 mars 2020 :
– Le délai de deux mois pour l’obtention d’une décision implicite de rejet est suspendu à compter du 12 mars 2020 et recommencera à courir – pour sa durée restante uniquement – un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire (dont la date est à ce jour fixée au 24 mai 2020 mais susceptible d’évoluer).
Pour exemple, si la demande a été reçue le 20 février, une décision implicite aurait en principe été acquise 2 mois plus tard soit le 20 mai (étant précisé qu’il y a 91 jours du 20 février au 20 mai) ;
Or ce délai est suspendu à compter du 12 mars soit 3 semaines (21 jours) plus tard.
Il ne reprendra pour sa durée restante (91 – 21 jours = 70 jours) qu’à compter du 24 juin 2020.
Le délai de deux mois expirera donc – en raison de sa suspension – le 1er septembre 2020.
A compter du 2 septembre, la demande sera considérée comme ayant donné lieu à une décision implicite de rejet.
→ Pour celles réceptionnées à compter du 12 mars 2020 :
Le délai de deux mois pour l’obtention d’une décision implicite de rejet est immédiatement suspendu et son point de départ reporté un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire (dont la date est à ce jour fixée au 24 mai 2020 mais susceptible d’évoluer).
Pour exemple, si la demande a été reçue le 20 mars, le point de départ du délai de 2 mois pour l’obtention d’une décision implicite de rejet est reporté au 24 juin 2020 (sous réserve de la modification de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire).
Le délai de deux mois expirera donc le 24 août 2020.
A compter du 25 août 2020, la demande sera considérée comme ayant donné lieu à une décision implicite de rejet.
Nota : le décret n°2020-471 du 24 avril 2020 applicable à compter du 26 avril 2020 qui détermine les procédures qui ne sont plus soumises à la suspension des délais ne concerne que les demandes d’homologation de ruptures conventionnelles et non les demandes d’autorisation de ruptures conventionnelles des contrats de travail des salariés protégés qui demeurent encadrées par la circulaire de la Direction Générale du Travail (DGT) du 7 avril 2020.
3. Sur quels sujets l’employeur doit-il consulter le CSE dans le contexte actuel de lutte contre l’épidémie Covid-19 ?
Le CSE doit nécessairement être associé à toute démarche d’actualisation des risques et consulté sur la mise à jour du document unique d’évaluation des risques.
Il doit également être consulté sur :
– les modifications importantes de l’organisation du travail (exemples : le télétravail, les mesures envisagées dans le cadre du Plan de continuité d’activité) ;
– le recours à l’activité partielle ;
– les dérogations aux règles relatives à la durée du travail et aux repos ;
– le fait d’imposer la prise ou de modifier la date de JRTT, autres jours de repos et CET (Dans cette hypothèse, l’avis du comité est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information. Il peut intervenir après que l’employeur ait fait usage de cette faculté).
D’une manière générale, il est absolument nécessaire que les employeurs répondent aux inquiétudes des uns et des autres et que le dialogue social soit maintenu.
Le comité peut par ailleurs être réuni à la demande motivée de deux de ses membres, sur des sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail.
Enfin, si un membre du CSE constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l’intermédiaire d’un salarié qui a fait jouer son droit de retrait, il en avise immédiatement l’employeur ou son représentant et consigne cet avis par écrit sur un registre prévu à cet effet (registre spécial des alertes). L’employeur doit ainsi procéder à une enquête et prendre des dispositions nécessaires pour remédier au risque.
En cas d’accord sur les dispositions prises, il peut être opportun de réunir le CSE.
En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser :
– le CSE est impérativement réuni, en urgence, dans un délai de 24 heures ; l’employeur informe immédiatement l’agent de contrôle de l’inspection du travail et l’agent du service de prévention de la CARSAT qui peuvent assister à la réunion du CSE, le médecin du travail est également convié à cette réunion ;
– le CSE se prononce par un vote;
– à défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du CSE sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur.
Dans la perspective du déconfinement prévu à compter du 11 mai 2020, le CSE devra également être informé notamment sur :
– le plan de reprise d’activité s’il en existe un (la mise en place d’un tel plan dans la perspective de la reprise est fortement recommandé),
– les mesures protectrices d’hygiène et de sécurité mises en place dans l’entreprise,
– la poursuite de l’activité partielle (salariés concernés, nombre d’heures chômées),
– la poursuite éventuelle du télétravail (pour tout ou partie des salariés),
– les accords collectifs conclus pendant la période de confinement (notamment sur les congés payés),
En outre, il devra être consulté sur :
– la mise à jour du Document Unique d’Evaluation des Risques (DUER),
– la mise à jour du règlement intérieur,
– les éventuelles mesures de restructuration de l’entreprise et/ou de réorganisation de son activité,
– les dérogations aux règles relatives à la durée du travail et aux repos ;
– la décision unilatérale lui permettant d’imposer la prise ou de modifier la date de JRTT, autres jours de repos et CET (Dans cette hypothèse, l’avis du comité est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information. Il peut intervenir après que l’employeur ait fait usage de cette faculté).
4. A quel moment l’employeur doit-il consulter le CSE pour recourir au chômage partiel ?
Dans le cadre d’une demande d’activité partielle, la première démarche à mettre en œuvre en principe est de consulter le comité social et économique (article R.5122-2 du code du travail).
L’avis du comité social et économique devrait en effet être joint à la demande d’autorisation de mise en activité partielle.
Pour autant, le décret du 25 mars 2020 prévoit que l’avis peut néanmoins intervenir après le placement des salariés en activité partielle et être adressé dans un délai de 2 mois à compter de la demande d’activité partielle.
En cas de poursuite éventuelle de l’activité partielle après le 11 mai 2020, il conviendra de faire une nouvelle information du CSE (sur les salariés concernés, le nombre d’heures chômées…) mais une nouvelle consultation (et donc un nouvel avis) n’est a priori pas requise.
5. Qu’advient-il des réunions avec les IRP pendant la période de confinement ? Faut-il les tenir ?
Le Ministère du travail répond de façon précise à cette question :
« S’il y a un caractère d’urgence à la négociation (respect du calendrier législatif ou conventionnel des négociations, nécessités liées à la réponse à la crise sanitaire) et que la réunion des négociateurs peut être organisée en respectant les consignes de sécurité sanitaire et les gestes barrières, ces derniers peuvent bénéficier de l’autorisation de déplacement dérogatoire, au même titre que les salariés dont l’activité n’est pas compatible avec le télétravail et qui doivent se rendre sur leur lieu de travail.
Néanmoins, compte tenu du contexte d’épidémie, il est recommandé à toutes les entreprises et les branches professionnelles d’organiser, en cette période de crise sanitaire, les réunions de négociation collective à distance. »
Pour les projets déjà en cours avant la période de confinement, rien n’interdit donc à un employeur de poursuivre les négociations qu’il avait entamées sous réserve qu’il le fasse avec des moyens adaptés (exemple : pour une réorganisation justifiée par des motifs qui étaient antérieurs) même si d’un point de vue pratique les entreprises risquent de reporter certains projets en cours compte tenu du contexte actuel et à venir.
6. Les réunions de négociation collective peuvent-elles se tenir en vidéo-conférence ou en audioconférence pendant l’épidémie ?
L’article 6 de l’ordonnance n°2020-389 du 1er avril 2020 ouvre le champ des possibilités de recours à la visioconférence, à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée, en dérogeant aux articles L.2315-4 et L.2316-16 du code du travail :
– « le recours à la visioconférence est autorisé pour l’ensemble des réunions du CSE et du CSE central, après que l’employeur en a informé leurs membres ;
– Le recours à la visioconférence est autorisé dans les mêmes conditions pour l’ensemble des réunions des autres instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail ;
– Le recours à la conférence téléphonique est autorisé pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail, après que l’employeur en a informé leurs membres.
Un décret à venir fixera les conditions dans lesquelles les réunions tenues en conférence téléphonique se déroulent.
– Le recours à la messagerie instantanée est autorisé pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel régies par les dispositions du code du travail, après information de leurs membres, en cas d’impossibilité de recourir à la visioconférence ou à la conférence téléphonique ou lorsqu’un accord d’entreprise le prévoit. Un décret fixera les conditions dans lesquelles les réunions tenues par messagerie instantanée se déroulent.
Ces dispositions sont applicables aux réunions convoquées pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ;
La limite de 3 réunions par année civile prévue par les articles L.2315-4 et L.2316-16 du code du travail ne trouve à s’appliquer qu’aux réunions organisées en dehors de la période de l’état d’urgence sanitaire. »
Dès lors que le principe de loyauté dans la négociation est respecté, le recours à la visioconférence à la conférence téléphonique et à la messagerie instantanée est largement favorisé.
Le décret 2020-419 du 10 avril 2020 relatif aux modalités de consultation des instances représentatives du personnel pendant la période d’état d’urgence sanitaire précise toutefois :
→ Lorsque la réunion est tenue en conférence téléphonique, le président du CSE en informe les membres de l’instance dans la convocation qui leur est adressée.
En outre, le dispositif technique mis en œuvre doit garantir l’identification des membres du CSE, leur participation effective ainsi que la retransmission continue et simultanée du son et des délibérations.
→ Lorsque la réunion est tenue par messagerie instantanée, le président du CSE en informe les membres de l’instance dans la convocation qui leur est adressée. En précisant la date et l’heure de début de la réunion ainsi que la date et l’heure à laquelle interviendra au plus tôt sa clôture.
En outre, le dispositif technique mis en œuvre doit garantir l’identification des membres du CSE, leur participation effective ainsi que la communication instantanée des messages écrits au cours des délibérations.
Les débats sont clos par un message du président de l’instance, qui ne peut intervenir avant l’heure limite fixée pour la clôture de la délibération.
Enfin et en toute hypothèse, les membres peuvent toujours avoir recours aux suspensions de séance, même par messages écrits.
Par ailleurs, lorsque le vote doit être organisé à bulletins secrets, le dispositif de vote doit garantir que l’identité de l’électeur ne peut à aucun moment être mise en relation avec l’expression de son vote.
Si le vote est organisé par voie électronique, le système retenu doit assurer la confidentialité des données transmises ainsi que la sécurité de l’adressage des moyens d’authentification, de l’émargement, de l’enregistrement et du dépouillement des votes.
Le vote a lieu de manière simultanée et les participants disposent d’une durée identique pour voter à compter de l’ouverture des opérations de vote indiquée par le président de l’instance ;
Enfin, au terme du délai fixé pour l’expression des votes, le président de l’instance en adresse les résultats à l’ensemble de ses membres.
7. Quid des NAO et autres négociations obligatoires ?
Le ministère du travail a d’ores et déjà indiqué que les NAO ne seraient pas annulées mais simplement reportées.
Il convient toutefois d’attendre la publication d’ordonnances à venir, pour avoir davantage de précisions, notamment sur le délai qui sera laissé aux employeurs et partenaires sociaux pour mener à bien les négociations suspendues et entamer celles non engagées.
8. Qu’advient-il des élections professionnelles en cours ou devant être organisées ?
L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 (publiée au Journal Officiel du 2 avril) portant mesures d’urgence relative aux instances représentatives du personnel, comporte des dispositions visant notamment à :
– permettre la suspension immédiate de tous les processus électoraux en cours dans les entreprises (article 1) ;
– imposer aux employeurs qui doivent engager le processus électoral de le faire dans un délai de trois mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (article 2) ;
– dispenser l’employeur d’organiser des élections partielles lorsque la fin de la suspension du processus électoral intervient peu de temps avant le terme des mandats en cours (article 4).
En outre, cette ordonnance prévoit des garanties importantes concernant le statut et la protection des représentants du personnel dans l’exercice de leurs mandats pendant la période de mise en œuvre différée des processus électoraux (article 3).
Plus précisément :
→ S’agissant des processus électoraux en cours (article 1 de l’ordonnance 2020-389 et article 9 de l’ordonnance 2020-560)
L’ordonnance prévoit la suspension immédiate de tous les processus électoraux en cours dans les entreprises à la date de publication de l’ordonnance (2 avril 2020) avec effet rétroactif à compter du 12 mars 2020.
Une nuance est apportée lorsque le processus électoral a donné lieu à l’accomplissement de certaines formalités (fixation des établissements distincts, information du personnel, invitation des organisations syndicales représentatives…) après le 12 mars 2020 (donc entre le 12 mars et le 2 avril 2020) ; dans une telle hypothèse, la suspension prend effet à compter de la date la plus tardive à laquelle l’une de ces formalités a été réalisée.
En toute hypothèse, la période de suspension prendra fin le soir du 31 août 2020 à minuit.
Les dispositions de l’ordonnance du 1er avril 2020 et 13 mai 2020 entrainent donc la :
– suspension de tous les délais impartis à l’employeur (notamment le délai de 90 jours entre l’information des salariés et le 1er tour des élections professionnelles, le délai de 15 jours entre l’invitation des organisations syndicales et la date de la réunion de négociation du protocole d’accord préélectoral, le délai d’un mois pour engager le processus électoral à la demande d’un salarié ou d’une OS, le délai de 15 jours pour la transmission des procès verbaux…) ;
– suspension des délais dont dispose l’autorité administrative pour rendre une décision (notamment en cas de contestation du nombre et/ou du périmètre des établissements distincts) : ainsi, si la saisine de l’administration est postérieure au 12 mars 2020, le délai dont elle dispose pour se prononcer commencera à courir à compter du 1er septembre 2020.
– suspension des délais de recours devant le juge ou l’administration : le délai de contestation des décisions rendues après le 12 mars 2020 ne commencera à courir qu’ à compter du 1er septembre 2020.
En outre, quelques précisions particulières sont apportées :
– la suspension du processus électoral intervenant entre le 1er et le 2nd tour lorsqu’il doit être organisé ne remet pas en cause la régularité du 1er tour, quelle que soit la durée de la suspension ;
– l’organisation d’une élection professionnelle, qu’il s’agisse d’un premier ou d’un deuxième tour, entre le 12 mars et le 2 avril 2020, n’a pas d’incidence sur la régularité du scrutin.
Ainsi, les élections ne pourront pas être contestées au motif d’un délai supérieur à 15 jours entre l’organisation des deux tours, comme le permet en principe le code électoral.
Néanmoins, cela ne fait pas obstacle à d’éventuelles contestations reposant sur d’autres arguments.
– pour l’appréciation des conditions d’électorat et d’éligibilité : la condition d’ancienneté devra être examinée à la date (effective) de chacun des deux tours du scrutin.
→ Concernant les employeurs ayant en principe l’obligation d’engager le processus électoral (article 2 de l’ordonnance 2020-389 et article 9 de l’ordonnance 2020-560)
Les employeurs concernés par ces dispositions sont :
– les employeurs dont l’obligation d’engager le processus électoral naît entre le 2 avril 2020 et le 31 août 2020 inclus, notamment :
¤ lorsque le seuil d’effectif (11 ou 50 salariés au cours des 12 derniers mois) est atteint au cours de cette période ;
¤ lorsque les conditions d’une élection partielle sont remplies (sous réserve de la dispense prévue par l’article 4 de l’ordonnance…).
– les employeurs qui, bien qu’ayant l’obligation de le faire (seuil d’effectif déjà atteint, demande d’une OS ou d’un salarié) n’ont pas encore engagé le processus électoral.
Ils devront impérativement organiser les élections professionnelles dans un délai de 3 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.
→ Au sujet des élections partielles (article 4 de l’ordonnance 2020-389)
Pour rappel, des élections partielles sont en principe organisées à l’initiative de l’employeur lorsqu’un collège électoral n’est plus représenté ou quand le nombre de membres titulaires du CSE est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres du CSE.
L’ordonnance 2020-389 prévoit toutefois que si la fin de la période de suspension du processus électoral (3 mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire) intervient moins de six mois avant le terme des mandats en cours, l’employeur ne sera pas tenu d’organiser les élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant ladite suspension.
→ Sur la prorogation des mandats et des périodes de protection (article 3 de l’ordonnance 2020-389)
L’ordonnance précise également que les mandats des représentants élus, en cours à la date du 12 mars 2020, sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles ;
En outre, est prorogée d’autant la période de protection dont bénéficient (notamment pour la rupture de leur contrat de travail) :
– les salariés investis d’un tel mandat
– les candidats aux élections.
A toutes fins utiles et pour rappel, si l’inspecteur du travail devait se prononcer sur une autorisation de licenciement d’un salarié protégé et que cette décision n’est pas intervenue à la date du 12 mars 2020, le délai dans lequel il devra rendre sa décision est pour l’instant suspendu jusqu’au 23 juin inclus et ne recommencera à courir qu’à compter du 24 juin 2020.
9. Est-il possible de contester des élections professionnelles pendant la période de confinement et de fermeture des juridictions ?
→ S’agissant des contestations relatives au processus électoral
L’ordonnance 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel prévoit la suspension des délais afférents à la contestation du processus des élections professionnelles, qui devaient théoriquement expirer entre le 12 mars 2020 et le terme d’un délai de 3 mois suivant la fin des mesures d’urgence sanitaire.
Cela concerne :
– La remise en cause de la décision de l’employeur de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts à défaut de protocole d’accord préélectoral en application de l’article L2313-4 ou L2313-8 du Code du travail, dans le cadre de la mise en place de CSE d’établissement ;
– La remise en cause de la décision de l’employeur de fixation de la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux à défaut de protocole d’accord préélectoral en application de l’article L2314-13 du Code du travail ;
Cette suspension inclut :
– Le délai pour contester la décision de l’employeur devant la DIRECCTE ;
– Le délai imparti à la DIRECCTE pour statuer sur la contestation ;
– Le délai pour saisir le Tribunal judiciaire d’un recours à l’encontre de la décision de la DIRECCTE ;
Ces délais sont suspendus jusqu’au terme d’un délai de 3 mois suivant la fin des mesures d’urgence sanitaire.
Concrètement, cela signifie que :
– Si l’autorité administrative n’a pas été saisie au 12 mars 2020, le délai accordé aux personnes habilitées pour le faire sera suspendu à cette date et recommencera à courir pour la durée restante à compter du 1er septembre 2020 ;
– Si l’autorité administrative a été saisie antérieurement au 12 mars 2020 mais n’a pas encore rendu sa décision à cette date, le délai qui lui est accordé pour le faire sera suspendu à cette date et recommencera à courir pour la durée restante à compter du 1er septembre 2020 ;
– Si l’autorité administrative a été saisie postérieurement au 12 mars 2020, le délai qui lui est accordé pour rendre sa décision commencera à courir pour la durée restante à compter du 1er septembre 2020 ; ;
– Si l’autorité administrative a été saisie et a rendu sa décision antérieurement au 12 mars 2020, le délai accordé aux personnes habilitées pour exercer un recours devant le Tribunal judiciaire sera suspendu à cette date et recommencera à courir pour la durée restante à compter du 1er septembre 2020 ;
– Si l’autorité administrative a rendu sa décision postérieurement au 12 mars 2020, le délai accordé aux personnes habilitées pour exercer un recours devant le Tribunal judiciaire commencera à courir pour la durée restante à compter du 1er septembre 2020.
→ S’agissant des contestations relatives aux résultats des élections
L’ordonnance 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel ne prévoit pas de suspension spécifique des délais afférents à la contestation des résultats des élections professionnelles.
Il convient donc à notre sens d’appliquer le régime commun prévu par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.
Ainsi, lorsque le délai pour contester les résultats des élections professionnelles devant le Tribunal judiciaire devait théoriquement expirer postérieurement au 12 mars 2020, celui-ci est suspendu à cette date et recommencera à courir pour la durée restante à compter du 24 juin 2020.
ATTENTION ! Le délai de suspension est donc ici plus court que pour la contestation relative au processus électoral !
10. Est-il possible de contester une désignation syndicale qui interviendrait pendant la période de confinement et de fermeture des juridictions ?
L’ordonnance 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence relatives aux instances représentatives du personnel ne s’applique à notre sens qu’aux élections des instances représentatives du personnel et non à la désignation des délégués syndicaux.
Il convient donc selon nous d’appliquer là encore le régime commun prévu par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.
Ainsi, lorsque le délai pour contester la désignation des délégués syndicaux devant le Tribunal judiciaire devait théoriquement expirer postérieurement au 12 mars 2020, celui-ci est suspendu à cette date et recommencera à courir pour la durée restante à compter du 24 juin 2020.
11. Les élus peuvent-ils utiliser leurs heures de délégation pendant la période de confinement ?
A titre liminaire et pour rappel, les membres élus titulaires du comité social et économique disposent d’un crédit d’heures ayant pour objet exclusif de permettre l’exercice du mandat de représentation (article L.2315-7 du code du travail).
Ainsi, leurs heures de délégation peuvent être utilisées pour toutes les activités qui correspondent à leur mandat, aussi bien dans l’entreprise qu’à l’extérieur, notamment :
– le temps passé à la préparation des réunions mensuelles avec l’employeur (Cass. soc., 16 nov. 1983, nº 81-42.984) ;
– le temps de trajet effectué par un représentant du personnel pendant l’horaire normal de travail en exécution des fonctions représentatives, à moins qu’une disposition légale, un usage ou un engagement unilatéral de l’employeur n’en dispose autrement (Cass. soc., 9 déc. 2014, nº 13-22.212) ;
– répondre à la convocation de l’inspecteur du travail dans le cadre de l’enquête faisant suite à la demande d’autorisation de son licenciement (Cass. soc., 3 juill. 1990, nº 87-40.838) ;
– participer à des commissions facultatives.
– etc.
En revanche, ne s’imputent pas sur le crédit d’heures de délégation dont ils disposent, le temps passé :
– aux réunions du comité social et économique et de ses commissions telles que la commission santé, sécurité et conditions de travail (articles L.2315-11 et R2315-7 du code du travail);
– à la recherche de mesures préventives dans toute situation d’urgence et de gravité, notamment lors de la mise en œuvre de la procédure de danger grave et imminent prévue à l’article L.4132-2 du code du travail ;
– aux enquêtes menées après un accident du travail grave ou des incidents répétés ayant révélé un risque grave ou une maladie professionnelle ;
– à la formation économique ou formation en santé, sécurité et conditions de travail (article L.2315-16).
S’agissant des délégués syndicaux, leur mission consiste à représenter le syndicat auprès de l’employeur et à animer la section syndicale.
Ils peuvent notamment utiliser leurs heures de délégation (excepté celles réservées à la négociation d’entreprise) pour participer, au nom de leur organisation syndicale :
– à des négociations ou à des concertations à un autre niveau que celui de l’entreprise, notamment au niveau de la branche ou au niveau national et interprofessionnel ;
– aux réunions d’instances organisées dans l’intérêt des salariés de l’entreprise ou de la branche (article L2143-16-1) ;
– etc.
Dans le contexte actuel de lutte contre l’épidémie du Covid-19, les représentants du personnel comme les représentants syndicaux continuent d’exercer leurs mandats certes, mais de manière réduite et/ou cadrée compte tenu notamment :
– de l’interdiction des rassemblements de 100 personnes et plus à compter du 13 mars 2020 ;
– l’obligation de fermeture de tous les lieux non indispensables au public, à compter du 14 mars au soir ;
– la mise en place d’un confinement pour l’ensemble de la population à compter du 17 mars 2020 à 12h.
Ainsi en pratique, les membres du CSE continuent d’utiliser leurs heures de délégation essentiellement pour la préparation (par téléphone ou visioconférence) des réunions organisées par l’employeur dans le cadre de la mise en place du télétravail ou de l’activité partielle et pour la mise à jour du document unique d’évaluation des risques de l’entreprise.
De manière générale, la situation ne fait pas obstacle à l’exercice des mandats et donc à l’utilisation de leurs heures de délégation par les représentants du personnel et/ou syndicaux mais il convient naturellement de les sensibiliser sur le fait qu’ils doivent à cette/ces occasion(s) respecter les règles d’hygiène et de sécurité et mesures gouvernementales actuellement en vigueur.
S’agissant des délégués syndicaux, leurs heures de délégation pourront notamment servir à la préparation des réunions de négociation d’accords d’entreprises nécessaires dans le contexte actuel (organisation urgente d’élections pour pouvoir consulter le CSE pour la mise en place de l’activité partielle, accord télétravail, accord sur les dérogations aux durées maximales de travail, repos dominical et/ou congés payés), ainsi que pour d’éventuelles réunions de négociation au niveau de la branche notamment sur le sujet des congés payés pouvant être imposés aux salariés par leur employeur, en application de l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020.
Enfin, vous pouvez éventuellement leur conseiller de se renseigner sur les formations en matière économique et en santé et sécurité au travail dispensées par internet sous la forme de webinar ou d’un e-learning.
A cet égard, depuis l’ordonnance 2020-346 du 27 mars 2020, les conditions d’indemnisation des salariés en formation pendant la période d’activité partielle sont alignées sur les conditions d’indemnisation de droit commun des salariés en activité partielle.
12. Quel est le régime des heures de délégation pendant l’activité partielle, notamment leur paiement ?
Aucun texte ni jurisprudence ne précise le régime des heures de délégation pendant l’activité partielle, notamment leur paiement.
De nouveaux décrets sont attendus sur l’activité partielle qui apporteront peut être des précisions sur cette problématique relative aux heures de délégation que beaucoup d’entreprises rencontrent et doivent gérer en paie.
Dans cette attente et afin d’apporter des éléments de réponse, vous trouverez ci-après notre analyse sur le sujet :
→ A titre liminaire, rappel de textes et jurisprudences applicables :
¤ Sur la possibilité d’utiliser les heures de délégation pendant l’activité partielle :
Comme cela a été rappelé supra, la mise en chômage technique n’entraîne pas la suspension du mandat représentatif (Cass. crim. 25 mai 1983, Bull. crim. p. 374, n° 153).
Les élus de la délégation du personnel au CSE comme les représentants syndicaux, peuvent donc continuer d’utiliser leurs heures de délégation lorsque l’entreprise est en activité partielle (cf. notre mémo Salariés Protégés, question 11, pour des précisions sur l’utilisation possible de ces heures).
¤ Sur l’assimilation des heures de délégation à du temps de travail :
En application de l’article L.2315-10 du code du travail, « le temps passé en heures de délégation est de plein droit considéré comme temps de travail et payé à l’échéance normale ».
Ne bénéficient toutefois de cette présomption que les crédits d’heures légaux et conventionnels (Cass. soc. 30 mai 1990 n° 86-45.583) .
¤ Sur le paiement des heures de délégation :
En premier lieu et de manière générale, la Cour de Cassation a jugé que :
Le salarié, membre d’un comité d’entreprise et placé en chômage partiel bloqué, a droit au paiement d’heures de délégation (Cass. soc. 10 janvier 1989, SA Montalev c/ Havez, n° 16 D) ;
Les intéressés ne doivent subir aucune perte de salaire du fait de l’exercice de leurs fonctions (Cass. soc. 19 septembre 2018 n° 17-11.638) ;
L’employeur qui ne respecte pas ces règles commet un délit d’entrave (Cass. crim. 30 avril 1996 n° 95-82.687).
S’agissant plus précisément du paiement des heures de délégation pendant une période de suspension (en l’espèce, congés payés), la Chambre Sociale a également jugé qu’un représentant du personnel qui utilise son crédit d’heures pendant ses congés payés ne peut pas cumuler l’indemnité de congés payés avec la rémunération des heures de délégation prises pendant ces congés (Cass. soc. 19 octobre 1994 n° 91-41.097) .
En outre, dans une autre espèce concernant un salarié en préretraite progressive (donc à temps partiel) qui avait accompli des heures de délégation en plus de son temps de travail, l’employeur n’avait pas payé ces heures, considérant que le salarié percevait déjà l’allocation de préretraite progressive pour ces heures non travaillées ; le salarié avait donc réclamé le paiement intégral de ses heures de délégation et la Cour de cassation lui a finalement donné raison en considérant que :
« les heures de délégation […] doivent être considérées de plein droit comme temps de travail et payées comme tel, peu important que l’intéressé reçoive en outre une allocation au titre de la préretraite progressive, le temps de délégation étant un accessoire nécessaire du contrat de travail en cours et impliquant des contraintes qui doivent être spécialement rémunérées, lorsque les heures de délégation ne s’imputent pas sur le temps de travail effectif » (Cass. Soc. 20 mars 2002 n° 99-45516).
La Cour de Cassation confirme ainsi qu’il ne peut y avoir de cumul entre la contrepartie des heures de délégation et la contrepartie des heures non travaillées ;
En outre, elle fait expressément référence au caractère « rémunéré » des heures de délégation, ce qui renvoie pour leur contrepartie, à une assimilation à du salaire soumis à charges sociales et non à une indemnisation (forfaitaire ou soumise à un régime social / fiscal plus favorable).
¤ Sur l’interdiction de mentionner les heures de délégation sur le bulletin de paie :
Il importe de rappeler qu’il est strictement interdit de faire apparaître l’activité de représentation du personnel sur le bulletin de paie ; aucune mention sur ce dernier ne doit en effet permettre d’établir une distinction entre les heures travaillées et les heures de délégation (Cass. soc. 3 février 1993 n° 90-45.619 ; Cass. soc. 18 février 2004 n° 01-46.565) .Le non-respect de cette disposition est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe (article R.3246-2 du code du travail).
L’article R.3243-4 du code du travail prévoit toutefois que la nature et le montant de la rémunération de l’activité de représentation figurent sur une fiche annexée au bulletin de paie ayant le même régime juridique que celui-ci et que l’employeur établit et fournit au salarié.
Enfin, la rémunération des heures de délégation suit le même régime social et fiscal que le salaire.
→ Notre analyse :
¤ Les heures de délégation font l’objet d’une contrepartie différente de celle des heures indemnisées par le dispositif d’activité partielle :
Dans le cadre de l’activité partielle, il est fait référence à la notion de revenus de remplacement et à celle d’indemnisation (dont le montant est toutefois calculé par référence à la rémunération brute du salarié à laquelle un coefficient réducteur est appliqué) mais il ne s’agit pas d’une rémunération au sens propre puisque le régime fiscal et social de la somme versée est différent.
Ainsi, les indemnités versées aux salariés ne sont pas considérées comme des salaires, mais comme un revenu de remplacement (C. trav., art. L. 5122-4) et sont :
– exonérées de cotisations sociales salariales et patronales, de forfait social ;
– exonérées de taxe sur les salaires ;
– mais soumises à CSG (6,2 %) et la CRDS (0,5 %) après abattement pour frais professionnels (1,75 %)et impôt sur les revenus.
(cf. pour plus d’information, notre mémo sur l’Activité Partielle, question n° 17)
Les heures de délégation sont quant à elles assimilées à du temps de travail effectif et doivent être rémunérées comme tel.
La contrepartie des heures de délégation est donc du salaire, soumis intégralement à charges sociales « classiques ».
¤ Les heures de délégation s’imputent sur le nombre d’heures effectivement travaillées comme sur le nombre d’heures chômées dont l’indemnisation est demandée :
Il importe de différencier la situation de l’élu concerné, selon qu’il n’a plus d’activité du tout (chômage total) ou est en réduction d’activité.
› Dans le premier cas (chômage total) :
– le contrat de travail du salarié est suspendu et 100 % des heures habituellement travaillées sont chômées ; elles seront donc en principe indemnisées par le dispositif du chômage partiel dans la limite de 70% de la rémunération brute du salarié.
Néanmoins, si le salarié prend des heures de délégation pendant cette période de suspension de son contrat de travail :
– Les heures de délégation seront assimilées à du temps de travail ;
– Le nombre d’heures chômées dont l’indemnisation est demandée, doit être réduit proportionnellement au nombre d’heures de délégation prises (puisqu’elles sont assimilées à des heures travaillées et qu’il n’est pas possible de cumuler la contrepartie de la suspension du contrat et celle des heures de délégation) ;
– Elles devront être rémunérées comme du salaire (au taux normal habituel car rien n’empêche l’élu de prendre ses heures de délégation pendant l’horaire normal de travail) et être soumises à charges sociales ;
Pour exemple, prenons le cas d’un salarié à temps plein (151,67 heures habituellement travaillées) :
Si ce salarié est en activité partielle totale (ou chômage total et qu’il n’a donc aucune heure réellement travaillées et s’il prend 51,67 heures de délégation sur le mois :
51,67 heures devront être payées (au taux normal et plein de 100%) et soumises à charges sociales classiques (comme le salaire habituel) ;
Nota : La majoration pour heures supplémentaires ne se déclenchera que si l’élu pose plus de 35 heures de délégation sur une même semaine.
– 100 heures devront être indemnisées par le dispositif d’activité partielle donc indemnisées sur la base de 70% de la rémunération habituelle et soumises uniquement à CSG/CRDS à taux préférentiel.
Enfin, le bulletin de paie devra faire apparaître la distinction des sommes versées, sans toutefois mentionner qu’il s’agit pour certaines d’heures de délégation.
› Dans le second cas (réduction d’activité), à supposer que les heures de délégation soient prises sur le temps normal de travail (ce qui doit en principe être possible), leur paiement devrait pouvoir se « confondre » avec celui des heures en principe travaillées et le salarié sera en parallèle indemnisé pour les heures chômées dans la limite de 70% de sa rémunération brute.
Pour exemple, reprenons le cas du même salarié à temps plein (151,67 heures habituellement travaillées) qui verrait son temps travail effectif réduit de moitié du fait de la baisse d’activité de son entreprise (75,835 heures) :
– 75,835 heures (50% de sa durée habituelle de travail) correspondant aux heures chômées déclarées devront être indemnisées par le dispositif d’activité partielle, sur la base de 70% de la rémunération brute du salarié et soumises à CSG/CRDS au taux préférentiel ;
– 75,835 heures (soit les 50% restant de la durée habituelle de travail) correspondant aux heures qu’il continue effectivement de travailler et/ou à la prise d’heures de délégation,
seront payées à 100% comme du salaire, avec paiement des charges sociales afférentes ;
Il y a donc une subtilité puisqu’ici les 75,385 heures rémunérées normalement comme du salaire se décomposeront en réalité de la manière suivante :
51,67 heures de délégation et 24,165 heures réellement travaillées.
En résumé, il y aura donc :
– 51,67 heures payées (au taux normal et plein de 100%) et soumises à charges sociales classiques (comme le salaire habituel) correspondant aux heures de délégation ;
– 24,165 heures rémunérées (au taux normal et plein de 100%) et soumises à charges sociales classiques correspondant au paiement des heures effectivement travaillées :
Nota : La majoration pour heures supplémentaires ne se déclenchera que si le cumul heures travaillées + heures de délégation prises, dépasse 35 heures sur une même semaine.
- 75,835 heures seront indemnisées par le dispositif d’activité partielle donc indemnisées sur la base de 70% de la rémunération habituelle et soumises uniquement à CSG/CRDS à taux préférentiel.
Enfin, là encore, le bulletin de paie devra faire apparaître la distinction des sommes versées, sans toutefois mentionner qu’il s’agit pour certaines d’heures de délégation.
Il est également envisageable qu’il comporte 3 lignes (par exemple heures travaillées / heures assimilées (pour les heures de délégation) / heures indemnisées) au lieu de 2.
13. L’employeur peut-il invoquer la crise sanitaire pour refuser les déplacements des représentants élus ou désignés ?
Si les déplacements professionnels sont aujourd’hui déconseillés par le gouvernement, ils ne sont pas interdits.
Dès lors, l’employeur ne peut poser une interdiction de principe et ne peut à notre sens que se contenter d’inviter les représentants du personnel à limiter au maximum leurs déplacements, en respectant les restrictions gouvernementales posées notamment par l’attestation de déplacements dérogatoires.
14. Les accords collectifs peuvent-ils être signés à l’aide d’une signature électronique ?
Les entreprises et les branches professionnelles peuvent mettre en place un dispositif de signature électronique répondant aux exigences du règlement européen n° 910-2014 et de l’article 1367 du code civil – à savoir : être liée au signataire de manière univoque, permettre d’identifier le signataire, avoir été créée à l’aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif, être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable. Cette solution est parfaitement sûre juridiquement, une signature électronique délivrée par un prestataire de services de certification électronique ayant la même valeur qu’une signature manuscrite.
15. Existe-t-il d’autres modalités de signature à distance pour ces accords pendant l’épidémie de COVID-19 ?
Du fait des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de COVID-19, le Ministère du Travail précise dans son Q/R qu’il est possible d’envoyer (par tout moyen) le projet d’accord soumis à signature à l’ensemble des parties à la négociation afin que chacune le signe manuellement.
Si les signataires disposent de moyens d’impression : ils peuvent alors imprimer le projet, le parapher et le signer manuellement puis le numériser (ou prendre en photo chaque page avec leur téléphone en s’assurant que le document soit lisible) et renvoyer le document signé ainsi numérisé par voie électronique.
S’ils ne disposent pas de moyens d’impression : un exemplaire du projet d’accord soumis à signature à chaque partie à la négociation peut être envoyé par courrier ou porteur. Il est toutefois recommandé de s’assurer que le destinataire est bien desservi par les services postaux qui assurent un service réduit.
Une fois l’exemplaire reçu, chaque signataire peut signer et parapher puis numériser (ou prendre en photo) le document et le renvoyer par voie électronique.
Il est préférable que les signatures de l’ensemble des parties figurent sur le même exemplaire. Si cela n’est pas possible, l’accord ainsi signé sera constitué de l’ensemble des exemplaires signés par chaque partie.
Il est donc important de demander aux signataires de conserver les originaux paraphés et signés dans l’attente de pouvoir les remettre à l’employeur.
En ce qui concerne les accords d’entreprises, ils peuvent être déposés auprès de la DIRECCTE via la téléprocédure, à condition de regrouper l’ensemble des exemplaires signés en un seul fichier pdf.
Il conviendra, lors de la réouverture des juridictions, de régulariser le dépôt de l’accord auprès du greffe du Conseil de Prud’hommes compétent.
Enfin et à toutes fins utiles, une organisation peut donner mandat à une autre partie pour signer un accord collectif.
Ainsi, par exemple, une organisation syndicale de salariés peut donner mandat à une autre organisation syndicale salariée ou une organisation professionnelle d’employeurs ou même un employeur pour signer un accord collectif.
Dans ce cas, il est conseillé à l’organisation syndicale de définir précisément dans son mandat la version du projet d’accord qui emporte son consentement ou pour lequel elle donne mandat à une autre organisation syndicale ou à l’employeur.
Enfin, il est recommandé que le mandat soit écrit pour en faciliter la preuve en cas de contestation ultérieure, mais il peut résider en un simple mail pour autant que l’on puisse en identifier l’auteur.
16. Quels sont les délais modifiés pendant la période d’urgence sanitaire pour faciliter le dialogue social ?
Afin de simplifier et d’accélérer le dialogue social pendant la période d’urgence sanitaire et la crise liée au Covid-19, les délais liés à la négociation collective en droit du travail et ceux concernant la consultation et l’information du comité social et économique sont adaptés.
1. Réduction des délais liés à la négociation collective
Les dispositions relatives à ces aménagements de délais ont été ajoutées à l’ordonnance n°2020-306 par l’ordonnance n°2020-428 du 15 avril 2020 et son décret d’application n°2020-441 du 17 avril 2020.
1.1 Quels accords collectifs sont concernés ?
Sont concernés les accords collectifs conclus à compter du 12 mars 2020 et jusqu’à l’expiration de la période spéciale, et dont l’objet est exclusivement de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ainsi qu’aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation.
1.2 Computation de la réduction des délais
→ Sont réduits à 8 jours :
– Le délai de 15 jours laissé aux organisations syndicales majoritaires pour s’opposer à l’entrée en vigueur d’une convention de branche ou d’un accord professionnel (article L2232-6 du Code du travail) ;
– Le délai d’un mois laissé aux organisations syndicales minoritaires ayant recueilli au moins 30% des voix aux dernières élections professionnelles pour demander l’organisation d’un référendum d’entreprise validant l’accord (article L2232-12 alinéa 2) ;
– Le délai d’un mois au cours duquel, dans les entreprises d’au moins 50 salariés et dépourvues de délégué syndical, les élus du CSE doivent indiquer leur souhait de négocier lorsque l’employeur en a exprimé la volonté (article L2232-25-1 du Code du travail) ;
– Le délai d’un mois à compter de la publication au Journal officiel de l’avis d’extension d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel, laissé aux organisations professionnelles d’employeurs majoritaires pour s’opposer à son extension (article L2261-19 du Code du travail) ;
– Le délai de 15 jours accordé aux personnes intéressées par un avis d’extension pour faire connaître leurs observations suite à la publication de l’avis au journal officiel (article D2261-3 du Code du travail) ;
– Le délai d’un mois au cours duquel les organisations professionnelles d’employeurs majoritaires, suite à la publication d’un avis d’extension, peuvent demander au Ministre du travail la saisine d’un groupe d’experts (article D2661-4-3 du Code du travail).
→ Sont réduits à 5 jours :
– Le délai de 8 jours au cours duquel les autres organisations syndicales peuvent signer l’accord pour atteindre le taux de représentativité de 50% (article L2232-12, alinéa 3) est réduit à 5 jours;
– Le délai de 15 jours minimum à l’issue duquel, dans les entreprises de moins de 11 salariés et dépourvues de délégué syndical, l’employeur peut proposer aux salariés un accord par référendum d’entreprise (article L2232-21 du Code du travail), est réduit à 5 jours;
Attention ! Seuls les délais ayant commencé à courir postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020 sont concernés par la réduction
2. Prorogation des délais liés à la consultation et l’information du CSE
Les dispositions relatives à ces aménagements de délais ont été ajoutés à l’ordonnance n°2020-306 par l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 et son décret d’application n°2020-509 du 2 mai 2020, et l’ordonnance n°2020-507 du 2 mai 2020.
2.1 Quels délais sont concernés ?
Sont concernés les délais dans lesquels l’employeur doit consulter ou informer le CSE sur les décisions qu’il prend ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19.
Ainsi que les délais dans lesquels le CSE peut faire procéder à des expertises suite à cette consultation ou cette information.
Qui commencent à courir entre le 3 mai 2020 et le terme de la période spéciale.
Toutefois, lorsque les délais ont commencé à courir antérieurement à cette date mais ne sont pas encore échus, l’employeur peut interrompre la procédure en cours, et engager une nouvelle procédure aux délais réduits.
2.2 Computation de la prorogation des délais
→ Concernant l’information et la consultation du CSE
– Le délai de 3 jours au moins avant la réunion du CSE devant être respecté pour la communication de l’ordre du jour (article L2315-30 du Code du travail) est réduit à 2 jours ;
– Le délai de 8 jours au moins avant la réunion du CSE devant être respecté pour la communication de l’ordre du jour s’agissant des consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou règlementaire (article L2316-17 du Code du travail) est réduit à 3 jours;
– Le délai d’un mois à l’issue duquel le CSE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif (article R2312-6, alinéa 1 du Code du travail) est réduit à 8 jours;
– Le délai de 2 mois à l’issue duquel le CSE est réputé et avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif en cas d’intervention d’un expert (article R2312-6, alinéa 2 du Code du travail) est réduit à 12 jours pour le comité central et 11 jours pour les autres comités;
– Le délai de 3 mois à l’issue duquel le CSE est réputé et avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises à la fois au niveau du comité central et des comités d’établissement (article R2312-6, alinéa 3 du Code du travail) est réduit à 12 jours;
– Le délai de 7 jours au moins entre la transmission de l’avis de chaque comité d’établissement au comité central et la date à laquelle ce dernier est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif (article R2312-6, dernier alinéa du Code du travail) est réduit à 1 jour.
→ S’agissant des délais relatifs aux expertises sollicitées par le CSE
– Le délai de 3 jours laissé à l’expert pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission (article R2315-45 du Code du travail) est réduit à 24 heures;
– Le délai de 5 jours laissé à l’employeur pour répondre à cette demande (article R2315-45 du Code du travail) est réduit à 24 heures;
– Le délai de 10 jours laissé à l’expert pour notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée d’expertise (article R2315-46 du Code du travail) est réduit à 48 heures à compter de sa désignation ou, si une demande a été adressée à l’employeur, 24 heures à compter de la réponse apportée ce dernier;
– Le délai de 10 jours dans lequel l’employeur peut saisir le juge des contestations liées à l’expertise (article R2315-49 du Code du travail) est réduit à 48 heures;
– Le délai de 15 jours au moins entre la remise du rapport par l’expert et l’expiration des délais de consultation du CSE (article R2315-47, alinéa 1 du Code du travail) est réduit à 24 heures.
ATTENTION ! L’ensemble des réductions de délais visées ici ne s’appliquent pas s’il s’agit d’une information ou consultation dans le cadre d’une procédure de licenciement donnant lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord de performance collective.
L’ensemble de ces informations vous est donnée, sous réserve de précisions apportées par d’autres ordonnances et/ou décrets d’application à venir.
Naturellement, nous ne manquerons pas de vous tenir informés et d’actualiser la présente note.
⇒ Pour un conseil en droit social, nous vous invitons à contacter Guillaume Roland, associé, par mail: g.roland@herald-avocats.com