Rappel des produits défectueux

 

 

 

Article de Pierre-Yves Rossignol,  publié sur le site Face au Risque, le 8 janvier 2020

 

Chaque jour, des produits font l’objet d’un rappel parce qu’ils présentent un risque pour la sécurité et la santé des personnes. Pour les fabricants mais aussi les distributeurs, le risque de voir leurs responsabilités civile et pénale engagées est réel.

 

Les obligations du fabricant

 

En matière de responsabilité des produits, l’obligation légale du fabricant est particulièrement lourde : il est tenu à une obligation de transparence. Il doit informer ses clients et son réseau de distribution dès qu’il a connaissance du caractère défectueux d’un produit. Et il doit faire le nécessaire pour le retirer, ou le rappeler s’il a été mis sur le marché.

Cette obligation d’information participe de l’obligation de délivrance conforme du fabricant et l’oblige à fournir à l’acquéreur d’un produit, fût-il utilisateur professionnel, tous les renseignements nécessaires à son usage et de l’informer, le cas échéant, des risques pouvant en résulter (Cass. com., 27 nov. 2019, n° 18-16.821).

Toute information susceptible d’affecter l’utilisation du produit doit être donnée au client, la jurisprudence déduisant du simple défaut d’information du producteur, une défectuosité du produit (Cass. 1re civ., 7 nov. 2006, n° 05-11.604, et plus récemment Cass. 1re civ., 4 fév. 2015, n° 13-19.781).

 

Informer les clients

 

La commercialisation ayant été effectuée au travers d’un réseau de distribution, l’efficacité de la procédure de rappel suppose de s’assurer de la bonne diffusion de l’information. Celle-ci doit permettre de sécuriser les clients.

Un distributeur régulièrement informé commet une faute en s’abstenant de procéder au rappel des produits. La commission d’une telle faute permet au fabricant de solliciter la garantie du distributeur, en cas de survenance d’un sinistre.

Dans le cadre d’un contentieux, la démonstration qu’une campagne de rappel a été menée de manière efficace est susceptible de limiter la responsabilité du fabricant.

Ainsi, il a été jugé qu’un distributeur qui n’avait pas fourni au fabricant la liste des lieux où se trouvaient des condensateurs défectueux, malgré de nombreux avertissements en ce sens, était infondé à solliciter sa garantie (T. com Bobigny, 3 oct.2017, n° 2014F01799).

Les distributeurs doivent donc être particulièrement diligents et s’associer volontairement aux procédures de rappel.

 

Sanctions des tribunaux

 

De nombreuses décisions ont été rendues pour sanctionner l’inertie des distributeurs constatée dans la mise en œuvre de la procédure de rappel engagée par le fabricant.

Ainsi la cour d’appel de Paris (8 sept. 2015, n° 13/03298) a-t-elle condamné le distributeur d’un rafraîchisseur d’air à l’origine d’un incendie. Ce produit avait fait l’objet d’une procédure de rappel.

« (…) la télécopie reçue par (…) un acheteur du distributeur, qui du fait de ses compétences professionnelles, était capable d’identifier le produit en cause, de comprendre la teneur et l’importance du courrier et de le transmettre au service compétent, la société C. ne pouvant s’exonérer, en raison de l’inertie ou d’une organisation défaillante de ses services, des conséquences de la faute commise en vendant à la société P., le 24 février 2008, un produit qui avait été rappelé par son fabricant ».

Une décision de la cour d’appel de Toulouse a également reproché au distributeur de ne pas avoir mis à profit les moyens à sa disposition pour rendre efficace le rappel mis en œuvre par le fabricant (Cour d’Appel de Toulouse, 20 janvier 2020, Jurisdata 2020 – 000535).

 

L’affaire Lactalis

 

En décembre 2017, un dossier avait défrayé la chronique, à la suite de la découverte de salmonelles dans du lait pour enfants produit par le français Lactalis. Ce qui notamment avait fait grand bruit dans ce dossier, c’est que plusieurs grandes chaînes de distribution avaient dû reconnaître qu’elles n’avaient pas respecté l’arrêté du ministre de l’Économie ordonnant le retrait du produit. Elles étaient soupçonnées d’avoir vendu en connaissance de cause le lait contaminé.

Des plaintes pénales avaient été déposées, notamment sur le fondement de l’article L.532-3 du code de la consommation. Celui-ci punit le fait de ne pas exécuter les mesures ordonnées en application des injonctions administratives de retrait des produits (articles L.521-4 à L.521-16 du code de la consommation), délit réprimé par un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 € par les articles L.521-19 et L.521-22 du code de la consommation.