Quand le rappel à l’ordre vaut rappel à l’ordre

 

| Droit social |

 

 

Par Guillaume Roland et Julie Pleuvret, le 19 avril 2024

 

Des reproches formulés par écrit constituent-ils nécessairement une sanction disciplinaire ?

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation tous les écrits de l’employeur qu’il s’agisse d’un simple mail de recadrage ou d’un compte rendu d’entretien d’évaluation, reprochant une faute au salarié, sont assimilables à un avertissement. Avec pour conséquence que l’employeur, qui n’en a pas toujours conscience, épuise ainsi son pouvoir disciplinaire relativement à ces faits et se prive de la possibilité de licencier le salarié.

Il en est ainsi par exemple, lorsque l’employeur met le salarié en demeure d’apporter plus de soin à son travail, lorsqu’il l’invite de façon impérative à un changement radical de comportement, qu’il l’avertit qu’il ne pourra plus tolérer une telle attitude portant préjudice aux missions qui lui sont confiées ou encore lui indique que son attitude a gravement entamé la confiance qu’il lui portait.

La qualification dépend des termes employés.

Un arrêt récent* illustre l’importance et la difficulté de distinguer un simple rappel à l’ordre d’une sanction disciplinaire.

Un salarié licencié pour faute grave soutenait que le courriel qu’il avait reçu au cours de sa mise à pied conservatoire, et qui selon lui s’employait à caractériser divers manquements à ses obligations contractuelles, lui intimait d’y mettre un terme et énonçait que l’employeur ne tolérait plus cette attitude, constituait un avertissement, de sorte que l’employeur ne pouvait plus le licencier pour les mêmes faits.

La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, juge au contraire qu’il ressort de la lecture du courriel que l’employeur n’a pris aucune mesure à l’égard du salarié, se contentant de lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d’être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle et des autres salariés. Elle en conclut qu’il s’agissait tout au plus d’un rappel à l’ordre et que l’employeur n’avait donc pas épuisé son pouvoir disciplinaire.

Ainsi, certaines remarques écrites ne constituent pas une sanction, tel est le cas du rappel à l’ordre qui consiste à demander au salarié de faire attention à son comportement.

Notre avis : Il s’avère en pratique assez difficile de déterminer avec précision si tel ou tel écrit de l’employeur constitue ou non un avertissement. Des précautions s’imposent pour ne pas risquer sa requalification en sanction. L’employeur peut constater les faits en énumérant divers griefs qu’il impute au salarié, notamment pour lui demander des explications mais à la condition de ne pas manifester de volonté de sanctionner le salarié.

 

*Cass. soc., 20 mars 2024, n° 22-14.465 D

 

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