Quand la période d’essai survit à la période d’essai
19 septembre 2024
| Droit social |
Guillaume Roland Julie Pleuvret
Suivant un principe bien établi, les règles relatives au licenciement sont inapplicables pendant la période d’essai. Il en résulte que durant cette période, chaque partie est libre de mettre fin au contrat de travail sans être tenue de donner de motifs.
Inversement, lorsque la période d’essai a pris fin, les règles de procédure concernant le licenciement s’appliquent et notamment l’exigence d’une lettre de rupture motivée sans laquelle le licenciement est automatiquement privé de cause réelle et sérieuse.
Ainsi, toute rupture non motivée notifiée par erreur après l’expiration de la période d’essai est un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La solution serait-elle identique si la lettre de rupture de l’essai était motivée ? L’employeur pourrait-il dans ce cas se prévaloir d’une lettre de licenciement ?
La Cour de cassation vient tout récemment d’exclure cette possibilité.
Alors que sa période d’essai non renouvelée avait pris fin depuis une quinzaine de jours, un salarié s’est vu notifier une lettre de rupture de période d’essai lui en exposant les motifs.
Considérant que la rupture de son contrat de travail est survenue alors qu’il n’était plus en période d’essai, le salarié saisit la juridiction prud’homale d’une demande d’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur lui oppose que la rupture étant intervenue alors que la période d’essai était expirée, elle doit s’analyser en un licenciement de sorte que les juges doivent apprécier la réalité et le sérieux des griefs exposés dans la lettre bien que qualifiée par erreur de rupture de période d’essai.
Il n’est pas suivi par la Cour d’appel qui refuse d’analyser la lettre de rupture présentée comme une rupture de la période d’essai en une lettre de licenciement et refuse d’examiner les griefs.
La Cour de cassation* approuve la Cour d’appel et juge que la rupture par l’employeur de la période d’essai après l’expiration de celle-ci, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans que les juges ne soient tenus d’examiner les motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de rupture.
L’erreur de qualification de la lettre de rupture est donc irrattrapable et rend les griefs, aussi sérieux et avérés qu’ils soient, inopposables au salarié.
Notre avis : L’apparente simplicité des règles de rupture de la période d’essai est trompeuse et ne doit pas faire oublier de vérifier préalablement et impérativement l’existence et la durée de l’essai afin d’éviter une requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
*Cass. Soc., 3 juillet 2024, n°22-17.452
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