Licenciement pour faute grave : pas de précipitation si le salarié est absent

 

 

Par Guillaume Roland et Hugo Tanguy, le 22 avril 2022

 

Traditionnellement, la jurisprudence définit la faute grave comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis.

La Cour de cassation en déduit ainsi que le licenciement pour faute grave qui ne serait pas prononcé dans un délai très restreint, encourt a minima la requalification en licenciement pour faute simple, puisque la lenteur de l’employeur à réagir conduit à remettre en cause la gravité des manquements (notamment, Cass. Soc., 28 mai 2015, n°14-12.797).

La haute juridiction a admis certaines exceptions telles que le délai nécessaire à l’accomplissement des formalités légales de la procédure de licenciement (Cass. Soc., 6 mars 1990, n°87-43.950) ou des investigations liées à l’appréciation de la gravité de la faute (Cass. Soc., 9 novembre 2004, n°02-45.628).

Dans un arrêt récent, la chambre sociale en introduit un nouvel exemple.

Un employeur ayant acquis une connaissance exacte de faits fautifs le 17 octobre 2014 au plus tard, avait cependant attendu le 14 novembre suivant pour convoquer la salariée à un entretien préalable, qui avait finalement abouti à un licenciement pour faute grave.

Cette dernière en déduisait une déqualification de la gravité de la faute.

Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation*, considèrent cependant que l’écoulement de ce délai ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, puisque la salariée, dont le contrat de travail était suspendu, était absente de l’entreprise depuis le 31 mai 2013.

 

Notre avis : La Cour de cassation adopte ici une approche résolument pragmatique de la règle de droit : l’urgence à licencier un salarié responsable d’une faute grave ne se justifie que par l’urgence qui en résulte à l’écarter physiquement de l’entreprise. Celle-ci n’a pas lieu d’être si le salarié est déjà absent pour d’autres raisons.

 

De ce fait, elle devrait à notre sens réapparaître si le salarié reprend le travail.

 

*Cass. Soc., 9 mars 2022, n°20-20.872

 

 

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