En matière d’assurance emprunteur, une notice d’information fournie par la banque ne suffit pas
Par Pierre-Yves Rossignol, le 06 octobre 2020
La Jurisprudence a mis à la charge des établissements de crédit une obligation d’éclairer l’assuré sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation (voir notamment Cass. com., 31 janvier 2012, n°11-11700 RGDA 2012 page 748).
Une décision récente de la Cour de Cassation précise le montant de l’indemnisation que l’emprunteur peut espérer recevoir.
En l’espèce, un fils et ses parents avaient contracté un prêt immobilier auprès de leur banque en tant que co-emprunteurs solidaires, le fils adhérant seul au contrat d’assurance groupe souscrit par la banque, destiné à couvrir le risque de décès.
Les parents étant décédés, peu après la souscription du prêt, leur enfant s’était trouvé contraint de régler seul les mensualités, sa défaillance entrainant par la suite la nécessité de revendre le bien immobiliers acquis à l’aide des fonds empruntés.
La Cour d’Appel avait limité le montant de l’indemnisation à la somme de 93 672 € (pour un montant emprunté de 400 000 €), alors que le demandeur sollicitait une indemnisation plus complète, à savoir obtenir le bénéfice que lui aurait procuré la souscription par ses parents d’une assurance emprunteur – donc le remboursement du solde du prêt.
Par une décision du 25 mars 2020 (1ère Chambre civile n°18-24349) retient que le prêteur ne démontrait pas avoir satisfait à son obligation d’éclairer l’assuré sur les risques d’un défaut d’assurance-décès de ses parents co-emprunteurs solidaires avec lui.
La Cour retient que le défaut d’information l’a conduit à accepter de s’engager alors que seul son risque de décès était couvert, lui faisant perdre ainsi la chance de voir le prêt remboursé partiellement à hauteur des garanties auxquelles auraient pu souscrire ses parents.
Elle note toutefois que la Cour d’Appel avait justement relevé que rien ne démontrait avec certitude, ni qu’il aurait convaincu ses parents de souscrire à l’assurance, ni que ceux-ci n’auraient pas souhaité le faire et qu’ainsi la Cour d’Appel avait souverainement évalué la perte de chance.
La décision conduit à mettre à la charge de l’établissement de crédit une obligation renforcée. Ainsi, en présence de codébiteurs solidaires d’un emprunt, le prêteur doit non seulement remplir son obligation de conseil à l’égard de l’emprunteur, mais également l’informer des risques résultant d’un défaut d’assurance chez ses codébiteurs.
Si l’obligation est renforcée, le préjudice, qui constitue une « perte de chance », n’est pas aisé à établir. Le demandeur doit en effet démontrer qu’un évènement qui n’est pas arrivé (l’information de ses parents) aurait eu une conséquence certaine : la souscription d’une assurance ! Il va sans dire que la démonstration est aléatoire.