Dénonciation d’un harcèlement moral : le formalisme n’est plus de rigueur

 

 

Par Guillaume Roland et Julie Pleuvret, le 22 mai 2023

 

Le salarié qui refuse de subir des agissements répétés de harcèlement moral et qui les dénonce, ne peut, en vertu de l’article L 1152-2 du Code du travail, être sanctionné ou licencié pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Un licenciement prononcé pour un tel motif est nul de plein droit, sauf si la mauvaise foi du salarié est établie, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce.

Cependant en 2017, la Cour de cassation* jugeait que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s’il avait lui-même dans sa lettre, expressément qualifié les faits d’agissements de harcèlement moral.

Cette décision avait été fortement critiquée, notamment en raison des conséquences indemnitaires pour le salarié qui, demeuré dans l’ignorance de ce formalisme, ne pouvait plus obtenir réparation que sur le terrain de l’absence de cause réelle et sérieuse et dans les limites du barème.

La Cour d’appel de Caen résiste et accueille la demande de nullité d’une salariée licenciée pour faute grave après avoir dénoncé la dégradation de ses conditions de travail et de sa santé mais sans avoir utilisé l’expression « harcèlement moral ».

Par un arrêt du 19 avril 2023**, rendu en formation plénière, la haute Cour opère un revirement et décide qu’il y a lieu désormais de juger que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu’il n’ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi.

La Cour prend cependant le soin de préciser qu’en l’espèce, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que la salariée dénonçait des faits de harcèlement moral dès lors qu’elle se plaignait d’une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

 

Notre avis : Les termes de la lettre de dénonciation conservent donc leur importance puisque la protection des salariés dénonçant des faits de harcèlement moral jouera s’il ne fait aucun doute que les griefs exprimés sont de nature à constituer un harcèlement.

 

*Cass. Soc., 13 septembre 2017 n°15-23.045

**Cass. Soc., 19 avril 2023, n°21-21.053

 

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